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IMMOBILIER : Panorama récent de jurisprudence concernant les baux commerciaux & impact de la loi PINEL

PREALABLE – SUR LE BILAN DE LA LOI DU 18 JUIN 2014 DITE LOI PINEL

Le statut des baux commerciaux a été bouleversé.

L’on citera pêle-mêle, la suppression de l’ICC, le caractère obligatoirement contractuel des charges récupérables, le plafonnement du loyer déplafonné, l’obligation d’un état des lieux et d’un inventaire, le droit de préférence du locataire, le congé par lettre recommandée avec AR, la résiliation triennale rétablie, les baux dérogatoires de 3 ans, les clauses réputées non-écrites, la définition légale de la convention d’occupation précaire, la reconnaissance du fonds de commerce sur le domaine public, etc…

À ce jour, aucune décision n’a encore été rendue permettant de répondre aux nombreux questionnements posés par cette réforme.

Il s’agit d’une loi à géométrie variable, induisant différentes lectures, loi également décevante car elle n’a pas répondu aux attentes.

L’objectif n’a pas été atteint car les textes permettent toujours au bailleur d’une part d’utiliser l’ICC dans le cadre de la clause d’échelle mobile et d’autre part de déroger au lissage des 10 % en matière de déplafonnement. Ni le bailleur ni le preneur ne sont aujourd’hui satisfaits.

Un contentieux abondant se prépare nécessairement, ce qui va contraindre la Cour de Cassation à adopter un certain nombre d’arrêts doctrinaux. Le statut des baux commerciaux est donc appelé à évoluer car il est fort peu probable que la Cour de Cassation accepte de valider les dérogations contractuelles telles que la clause de garantie de 3 ans, le droit de préférence du preneur, le déplafonnement lissé à 10 % en renouvellement, le bail d’une durée ferme, le congé avec lettre recommandée avec AR.

On ne peut à l’heure actuelle que faire un point sur les dernières décisions jurisprudentielles rendues permettant alors une photographie de la situation actuelle, en indiquant en quoi la loi PINEL induira une évolution.

I – SUR LA DUREE DES BAUX COMMERCIAUX

-> Cass. 3ème civ. – 17 décembre 2014 :
Une Cour d’Appel ne peut écarter l’application du statut des baux commerciaux dès lors qu’elle constate que le sous-locataire avait été maintenu dans les lieux loués au-delà de la durée du sous-bail dérogatoire sans que sa jouissance ait été troublée ou contestée par aucun des locataires principaux successifs.
En l’occurrence, les locataires principaux n’ont jamais manifesté leur volonté de reprendre les locaux à l’issue du sous-bail, de sorte que le sous-locataire a été maintenu en possession et qu’il s’est opéré un bail commercial prenant effet le lendemain de l’expiration du bail dérogatoire, bail auquel il n’a pas été mis fin dans les formes prescrites par l’article L 145-9 du Code de commerce qui avait donc désormais vocation à s’appliquer.
Notons que désormais, depuis la loi du 18 juin 2014, pour que la mutation s’opère, il faut que le preneur reste en possession des lieux pendant au moins 1 mois après l’échéance du bail dérogatoire.

->CA PARIS – Pôle 5 – 3ème chambre – 28 janvier 2015 – n° 13-12.547 :
Cet arrêt rendu par la Cour d’Appel est important en ce qu’il apporte des enseignements concernant l’application dans le temps de la loi PINEL et en matière de prescription.
Dans cette affaire, le locataire a sollicité la révision du loyer sur le fondement de l’article L 145-39 du Code de commerce, la bailleresse refusant la baisse de loyer demandé. Le bail commercial contenait une clause litigieuse libellée comme suit : « Par application stricte de l’article L 145-38 du Code de commerce, le preneur s’engage irrévocablement à introduire une action en révision à la baisse de son loyer, uniquement dans l’hypothèse où il peut rapporter la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité… et s’interdit de demander une quelconque révision sur quelqu’autre fondement que ce soit que la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité susvisée. Cette condition est une condition impulsive et déterminante à l’engagement du bailleur qui n’aurait en aucun cas conclu le présent bail si le preneur pouvait solliciter une révision à la baisse de son loyer contractuel en raison d’une simple diminution de la valeur locative alors que les facteurs locaux de commercialité n’auraient subi aucune modification matérielle entrainant par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative ».
Le preneur invoquait ainsi l’irrégularité de cette clause qu’il estimait devoir être réputée non écrite tandis que le bailleur soutenait que l’action du preneur tendant à voir sanctionner cette clause était prescrite.
La Cour a fait application au litige de la loi du 18 juin 2014.
Les juges ont indiqué : « sans qu’il y ait lieu à ce stade de statuer sur l’application immédiate des dispositions de la loi PINEL aux contrats en cours et notamment de l’article L 145-15 qui prévoit que sont réputées non écrites quelqu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec aux dispositions des articles L 145-37 à L 145-41, il convient de relever qu’une loi nouvelle qui ne constitue pas une loi de procédure, ne peut trouver à s’appliquer à un litige en cours ». Concernant le point de départ de la prescription de l’action en nullité, la Cour a estimé que l’action du preneur n’est pas une action en requalification du contrat de bail en son entier mais simplement une action en contestation de la clause de renonciation contenue dans l’acte. Par cette clause, ajoute-t- elle, le preneur a renoncé par avance à solliciter la révision du loyer fondée sur une cause autre que celle résultant de la modification des facteurs matériels de commercialité visée par l’article L 145-38 du Code de commerce. Or la renonciation au droit à la révision du loyer résultant des dispositions d’ordre public des articles L 145-38 et L 145-39 du Code de commerce ne peut s’exercer qu’autant que le droit lui-même est né.
La renonciation à une disposition d’ordre public ne peut avoir lieu qu’en connaissance de l’étendue des droits auxquels il est renoncé.
Dès lors, pour les juges du fond, la prescription de l’action en nullité de la clause de renonciation à toute action en révision du loyer pour une autre cause que celle résultant d’une modification des facteurs locaux de commercialité, doit avoir pour point de départ la date à laquelle le droit à révision aurait pu trouver à s’exercer soit de manière certaine en application de l’article L 145-38 visé par la clause litigieuse au plus tôt trois années après la date d’entrée en jouissance du bail, le 1er janvier 2009 et non à la date aléatoire à laquelle le preneur aurait pu envisager d’exercer une action en révision fondée exclusivement sur l’article L 145-39 du Code de commerce.
En l’espèce, ayant délivré son mémoire en révision du loyer le 24 mai 2013 et son assignation le 7 août 2013, puis soulevé la clause de renonciation au cours de l’instance d’appel introduite par l’assignation à jour fixe le 5 mai 2014, l’action en nullité du preneur était prescrite.
Le point de départ du délai de prescription n’est donc ni le jour de conclusion du contrat ni celui où le titulaire du doit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer mais le jour où le droit à révision aurait pu trouver à s’exercer.

->Apports de la loi PINEL : Trois modifications visent la durée du bail commercial :
Le refus de principe de la durée ferme des baux se traduit par la nouvelle rédaction de l’alinéa 2 de l’article L 145-4 du Code de commerce. Ainsi le principe d’une durée de bail de 9 ans est complété par une possibilité de résiliation triennale pour le seul preneur. On revient au bail commercial « classique » en 3/6/9, pour lequel le preneur ne pourra pas renoncer à sa faculté de résiliation triennale. Seules exceptions textuelles : les baux conclus pour une durée supérieure à 9 ans, les baux de locaux construits en vue d’une seule utilisation c’est-à-dire les locaux monovalents, les baux de locaux à usage exclusif de bureaux et les baux de locaux de stockage.
Allongement de la durée des baux dérogatoires et tentative de simplification de la fin de ces baux. Les parties pourront toujours déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux si 3 conditions sont réunies :
La durée du bail doit avoir une durée au plus égale désormais à 3 ans contre 2 ans avant la réforme,
En application de l’article L 145-5 alinéa 1er nouveau du Code de commerce, « à l’expiration de cette durée les parties ne peuvent plus conclure un bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux », ainsi le statut s’applique si un bail commercial est conclu entre les mêmes parties dans le même local,
Enfin, aux termes de l’article L 145-5 alinéa 2 « si à l’expiration de cette durée et au plus tard à l’issue du délai d’un mois à compter de l’échéance, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est régi par les dispositions du présent chapitre ». Ainsi la partie qui ne souhaite pas l’application du statut, doit l’indiquer par prudence par acte extrajudiciaire ou pour le moins par lettre recommandée avec AR dans le délai d’un mois. La nouvelle loi ajoute deux alinéas à l’article L 145-5 pour rendre obligatoire l’établissement d’un état des lieux lors de la prise de possession des locaux loués ou lors de leur restitution et ces nouvelles dispositions concernent les baux conclus ou renouvelés depuis le 1er septembre 2014 sauf celles relatives à l’état des lieux.
Possibilité désormais de délivrer congé par lettre recommandée avec AR. 3
-> Autre impact de la loi PINEL : remplacement de la sanction de la nullité par le réputé non écrit :
Les articles L 145-15 et L 145-16 du Code de commerce disposent désormais que sont réputées non écrites un certain nombre de clause contraires à la loi. Cette nouvelle sanction remplace la nullité et évite ainsi les effets de la très courte prescription biennale de l’article L 145-60 du même code dont le point de départ fixé à la conclusion du contrat rendait l’action en nullité difficile à mettre en œuvre même si subsistait la voie d’exception. La sanction sera donc plus effective car les clauses qui jusqu’à présent étaient nulles sont réputées non écrites.
Conformément au droit commun, cette disposition ne s’applique pas aux procédures en cours même si elle est d’application immédiate.

II – SUR LA FIN DE BAIL

->Cass. Civ. 20 mai 2014, n° de pourvoi 13-14772 :
La nécessité de reconstruire en totalité le bâtiment affecté à l’usage d’atelier mécanique par le preneur, due à la vétusté importante qui l’a progressivement dégradée, ne résultait pas de la faute du bailleur ou d’un manquement au respect de ses obligations contractuelles.
Par ailleurs, le coût de reconstruction de ce seul bâtiment excédait la valeur vénale de la totalité de l’ensemble immobilier loué et les dégradations importantes des locaux ne permettaient plus une activité commerciale normale dans les lieux par le locataire qui avait organisé l’ensemble immobilier comme une unité d’exploitation commerciale unique. Est ainsi caractérisée la destruction totale de la chose louée au sens de l’article 1722 du Code civil.

->CA PARIS – Pôle 5 – 3ème chambre – 26 novembre 2014 :
La restitution anticipée des locaux par l’une des parties ne peut être justifiée que par les circonstances exceptionnelles et après mise en demeure de l’autre partie d’avoir à respecter ses engagements. A défaut, la résiliation est prononcée aux torts partagés des parties.

->Cass.3ème civ. – 2 décembre 2014 :
Le juge du fond peut prononcer la résolution du bail pour manquement du bailleur à son obligation de délivrance alors même qu’une ordonnance de référé constatant l’acquisition du bénéfice de la clause résolutoire a déjà été prononcée dès lors que le bail avait été conclu pour un local qui ne répondait pas aux exigences administratives et faisait l’objet d’une décision de fermeture.

->CA PARIS – Pôle 5 – 3ème chambre – 17 décembre 2014 :
Le bailleur qui délivre un congé comportant refus de renouvellement et dénégation du droit au statut entre la date du décès du locataire et la date de prise en possession par le cessionnaire, agit à l’égard des héritiers de manière déloyale et de mauvaise foi, ce qui justifie la nullité du congé.
La Cour d’Appel de PARIS a indiqué que nonobstant la connaissance de la situation particulière résultant de la disparition du locataire et de la nécessité de ses héritiers d’organiser la vente de la pharmacie, les bailleurs avaient profité de ce délai, entre la date du décès du locataire et la date de prise de possession par le cessionnaire, pour délivrer congé avec refus de renouvellement et refus du droit au statut des baux commerciaux pour défaut d’immatriculation au registre du commerce, en ayant connaissance de l’intention des héritiers de céder le fonds à un successeur dans le commerce.

->Cass. 3ème civ. 3 février 2015, n° 13-26.210 :
La demande d’acquisition de la clause résolutoire du bail formée par les bailleurs, qui n’a pas été régulièrement notifiée au créancier inscrit lui cause un préjudice irréversible constitué par la disparition du fonds de commerce du débiteur à la suite de la résiliation du bail ce qui l’a privé de la faculté de se substituer au locataire pour préserver son gage ou de réaliser le fonds.

->Dans un arrêt en date du 15 avril 2015, la Cour de Cassation affirme que le refus de renouvellement d’un bail commercial pour absence de participation du bailleur dans la signature d’un contrat de sous- location n’est pas valide lorsque l’activité de sous-location est l’activité définie dans le bail. Dès lors qu’il y a similarité des activités, le bailleur n’a pas à être appelé à concourir aux actes de sous-location.

->Cass. 3ème civ. 15 octobre 2014, n° 13-25.123 :
Le décret du 30 septembre 1953 a posé le principe que le congé doit être signifié par acte extrajudiciaire sans qu’aucune sanction ne soit explicitement prévue si le congé était notifié dans d’autres conditions.
La jurisprudence a sanctionné par la nullité, l’envoi d’un congé par lettre simple ou recommandée.
La Cour de Cassation s’est trouvée confrontée à la question de déterminer si l’on était ou non en présence d’un professionnel averti du droit immobilier dans des conditions de nature à engager sa responsabilité à défaut de valider un congé qui en l’état de la législation était réputé nul et de nul effet. Faisant valoir qu’à la date à laquelle le bail avait été conclu, la SCI était une société familiale qui avait donné à bail des locaux en vue de l’activité professionnelle d’un cabinet d’expertise comptable ayant le même gérant que la SCI et ce dans des conditions exclusives de tout autre bail ou convention locative, il était apparu à la Cour d’Appel que la pratique juridique du bailleur comme du preneur d’ailleurs en matière de congé, était inexistante et que la SCI ne pouvait être considérée comme un professionnel de l’immobilier.

Cette décision a été censurée au motif que l’objet social du bailleur était l’acquisition, la gestion et l’exploitation d’immeubles et la conclusion de baux en rapport avec cet objet, si bien que faute d’avoir répondu expressément sur ce point, l’arrêt déféré avait violé les dispositions de l’article 4 du Code de procédure civile.

Attention, la question se trouve aujourd’hui réglée par la loi PINEL du 18 juin 2014 qui a ouvert une alternative : il est désormais possible de notifier aussi un congé par lettre recommandée avec AR, possibilité ouverte tant côté bailleur que locataire pour un congé donné aux termes d’un bail ou pendant une période de tacite prolongation, et ce « au libre choix de chacune des parties ».
Il est aussi reconnu au locataire pour un congé à la fin d’une période triennale.
Il ne semble pas possible contractuellement d’imposer au locataire un congé par ministère d’huissier. Concernant la lettre RAR, la date du congé est donc celle de sa première présentation. Cette nouvelle règle à intégrer s’applique pour tout bail à venir mais aussi pour tout bail en cours au 5 novembre 2014.

Notre conseil : dans la mesure du possible, tout mettre en œuvre pour en rester à la délivrance par acte d’huissier.

->Autre impact de la loi PINEL : Possibilité pour les ayant-droits du preneur décédé, de donner congé à tout moment dans les formes et délais de l’article L 145-9 prévu par l’article L 145-4 du Code de commerce.

III – SUR LA DEMANDE DE RENOUVELLEMENT

->Cass. Civ. – 21 mai 2014 – n° de pourvoi 13-16578 :
La société locataire a notifié une demande de renouvellement au seul usufruitier qui lui a signifié qu’il n’avait pas qualité pour à semblable demande. Le nu-propriétaire et l’usufruitier ont délivré un congé avec offre de renouvellement et ont ensuite assigné la société locataire pour voir constater la nullité de la demande de renouvellement. Il est débouté de ses demandes.
D’après la Cour d’Appel, l’article L 145-10 du Code de commerce permet de présenter une demande de renouvellement au gérant de l’immeuble en cas de pluralité de propriétaires car il n’y avait pas d’identité nécessaire entre le destinataire de la demande de renouvellement et la personne qui peut consentir à ce renouvellement.
L’arrêt est censuré au visa de l’article 595 alinéa 4 du code civil, ensemble l’article L 145-10 du Code de commerce.
Après avoir rappelé que l’usufruitier ne peut sans le concours du nu-propriétaire donner à bail un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal, la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation affirme que la demande de renouvellement du bail commercial avait eu pour unique destinataire, l’usufruitier du bien. Or il n’avait pas le pouvoir d’acquiescer sans le concours du nu-propriétaire, à une telle demande.

->Cass. Civ. 3ème – 21 mai 2014 – n° de pourvoi 13-12592 :
Le bailleur ne peut se prévaloir pour voir retenir la qualification de locaux monovalents, des travaux d’aménagement réalisés par le preneur, que s’ils étaient devenus sa propriété par la voie de l’accession. Le bail prévoyant que les constructions, travaux et améliorations faits par le preneur n’accédaient au bailleur que lors de la sortie effective des lieux loués et faute de sortie des lieux, les locaux loués n’étaient pas monovalents.

IV – SUR LA FIXATION DU LOYER EN RENOUVELLEMENT

->CA CAEN – 2ème chambre civile et Com. 15 mai 2014, JuriData n° 214-015639 :
Le loyer a été déplafonné lors du renouvellement, les travaux réalisés à l’entrée dans les lieux par le preneur ayant été pris en considération. Il s’agissait de travaux destinés à mettre les lieux loués en adéquation avec leur destination contractuelle.
La prise en considération des travaux réalisés par le preneur à l’entrée dans les lieux a été posée en présence d’une clause d’accession stipulant que tous les travaux et modifications effectués par le preneur resteraient à l’expiration du bail la propriété du bailleur sans indemnité à moins que ce dernier ne préfère tout ou partie de la remise des lieux dans leur état primitif et ce aux frais du preneur.

-La Cour d’Appel de CAEN a estimé que les travaux exécutés par le preneur ne pouvaient pas être considérés comme des travaux d’amélioration au regard des dispositions de l’article R 145-8 alinéa 2 du Code de commerce s’agissant de travaux réalisés et financés lors de l’entrée dans les lieux pour adapter les locaux à leur nouvelle destination.

-Il fallait également déterminer si les modifications incontestables apportées aux caractéristiques des locaux loués au sens de l’article R 145-3 du Code de commerce étaient susceptibles d’être invoquées à l’occasion du 1er renouvellement, et ce en application de la clause d’accession.
La Cour a écarté l’accession et les effets qui en découlent selon la convention des parties au motif que dès l’instant où le bailleur se réserve la possibilité d’exiger la remise des lieux dans leur état primitif, et que cette alternative ne peut être exercée qu’à la sortie des lieux, il apparait que l’accession ne peut jouer qu’à la fin des relations contractuelles.

->CA LIMOGES – chambre civile – 4 septembre 2014 et CA AIX EN PROVENCE 11ème chambre D- 19 février 2015 :
En présence d’un bail comportant une clause de loyer binaire, le Juge des loyers commerciaux n’a pas le pouvoir de fixer le loyer de base en renouvellement.
Ces deux décisions vont dans la droite lignée de l’arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 7 mai 2002, position récemment confirmée par un arrêt du 9 septembre 2014.

Le principe posé par la Cour de Cassation est le suivant :
Soit les parties ont prévu contractuellement un dispositif de fixation des modalités du loyer en renouvellement et ce dispositif doit recevoir application dès lors qu’il est exprimé de manière claire et précise ;
Soit les parties n’ont prévu aucun dispositif et dans cette hypothèse le Juge n’a pas pouvoir pour fixer le prix du bail renouvelé.

->Cass. 3ème civ. – 9 septembre 2014 – pourvoi n° 13-14.448 :
La Cour de Cassation a confirmé sa position : il s’évince des principes posés par la Cour de Cassation et rappelé à maintes reprises par la Jurisprudence, que le juge des loyers commerciaux ne peut être valablement saisi soit d’une demande de révision en cours de bail, soit en renouvellement de la fixation du loyer du bail renouvelé, dès lors que les conditions financières du bail relèvent depuis l’arrêt dit du « Théâtre Saint-Georges », de la seule convention des parties.

->Une partie de la doctrine dont Maître Philippe-Hubert BRAULT, conteste cette approche, « surtout dans l’hypothèse où les parties ont entendu explicitement faire référence à la valeur locative selon les critères légaux pour apprécier initialement puis en renouvellement, à défaut d’accord par la voie judiciaire, le montant du loyer qui en découle, sans que l’existence d’un supplément éventuel qu’il s’agisse d’une fraction annuelle perçue sur le droit d’entrée ou de tout autre paramètre, ne puisse interférer dès lors que dans les termes de l’article 1134 du Code civil, elles peuvent librement en déterminer les modalités ».

->CA PARIS – Pôle 5 – 3ème chambre – 19 novembre 2014 – n° 13-01735 :
Théoriquement, il y a prescription biennale de toute action en fixation du loyer en renouvellement à la suite d’un congé avec offre de renouvellement notifié pour le terme contractuel si aucune action n’a été introduite dans le délai de 2 ans.
Toutefois, la Cour d’Appel a estimé qu’il pouvait y avoir renonciation à prescription dès lors que le preneur s’était manifesté postérieurement à l’échéance en faisant une offre supérieure au montant indiqué dans le congé. Dès l’instant où, par lettre puis dans le cadre d’un acte de procédure, le preneur avait fait offre d’un loyer dont le montant devait être supérieur au loyer exigible à la date d’expiration du bail, il a été considéré que le preneur ne pouvait ultérieurement se raviser.

->Cass. 3ème civ. – 14 janvier 2015 – n° 13-23.490 :
La signification de la décision de première instance fixant le loyer faisant courir tant le délai d’option que le délai d’appel, la Cour d’Appel qui a retenu à bon droit que le Code de commerce ne prévoyait pas de double signification de la décision fixant le montant du loyer du bail renouvelé pour l’exercice du droit d’option et constaté que la signification du jugement fixant le prix du bail renouvelé avait été faite le 16 décembre 2008, en a exactement déduit que l’exercice par la société locataire de son droit d’option le 13 février 2009 était tardif et que le bail s’était renouvelé entre les parties aux conditions fixées par le jugement.

->Le juge des référés ne peut en aucun cas ordonner une expertise aux fins de fixation du loyer en renouvellement : la compétence du juge des loyers pour fixer le prix du bail est exclusive et d’ordre public.

->Impact de la loi PINEL : Désormais la loi encadre les augmentations de loyer dans certains cas de déplafonnement. En cas de modification notable des éléments mentionnés au 1° et 4° de l’article L 145-33 ou s’il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d’une clause relative à la durée du bail, la variation du loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures pour une année à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.

Sont donc modifiés les articles L 145-34, L 145-38 et L 145-39 du Code de commerce : modifications notables des 4 premiers éléments de la valeur locative, modifications matérielles des facteurs locaux de commercialité ayant entrainé une variation de plus de 10 % de la valeur locative ou une variation de plus de 25 % du loyer à raison du jeu de la clause d’échelle mobile.

Dans tous les cas, le loyer ne pourra évoluer à l’occasion du renouvellement ou de la révision qu’à raison de 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente. Cette loi serait applicable lorsque le plafonnement résulte de la modification d’un des éléments de la valeur locative mais ne s’appliquerait pas aux baux conclus pour plus de 9 ans ou d’une durée effective de plus de 12 ans, aux baux pour lesquelles les parties ont renoncé expressément à la règle du plafonnement, aux baux visés par les articles L 145-36 c’est-à-dire les terrains nus, les locaux monovalents, les locaux à usage exclusifs de bureaux et aux baux échappant au statut : clause recette, loyer binaire, loyer financier…

V – SUR LES GARANTIES DUES AU LOCATAIRE

Dans un arrêt du 16 avril 2015, la Cour de Cassation rappelle les conditions dans lesquelles la garantie des vices cachés due au locataire par le bailleur, s’étend aux dommages corporels lorsque ceux-ci résultent du vice de la chose louée.
Dans cet arrêt, la Cour de Cassation relève que la Cour d’Appel avait précédemment jugé d’une part que la SCI ayant perdu la garde du monte-charge, aucune responsabilité sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil ne lui incombait et que Monsieur Y… et Madame Z… n’ayant pas la qualité de locataires, ils ne pouvaient se prévaloir des dispositions de l’article 1719 du même code, d’autre part que ceux-ci n’étaient pas fondés à invoquer une faute d’entretien à l’encontre de la SCI puisque l’accident était dû à une surcharge par les utilisateurs du monte-charge. Ainsi, les deux victimes personnes physiques ont été déboutées de leurs demandes à l’encontre de ladite SCI.

Dans ces conditions, l’appel en garantie de la société LES C… contre la SCI qui ne peut reposer que sur les dispositions des articles 1382 ou 1384 alinéa 1er du Code civil ne peut pas prospérer et a été rejetée. La Cour de Cassation estime qu’en l’état de ses constatations et énonciations, la Cour d’Appel a exactement décidé que la société LES C… n’était pas fondée en son appel en garantie à l’encontre de la SCI et de son assureur.

->Impact ou incidence de la loi PINEL :
Celle-ci instaure un droit de préférence pour le locataire en cas de vente du local commercial dans lequel il exploite son fonds de commerce (article L 145-46-1). A peine de nullité, chaque notification devra reproduire les dispositions de cet article, alinéa 1 à 4.
Ce droit, exclu des locaux à usage industriel, n’est pas applicable dans plusieurs cas : cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial, cession unique de locaux commerciaux distincts, cession d’un local commercial aux copropriétaires d’un ensemble commercial, cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux, cession d’un local au conjoint du bailleur ou à un ascendant, descendant du bailleur ou de son conjoint. Ce droit de préférence qui n’est pas d’ordre public s’applique à toute cession d’un local commercial à partir du 1er décembre 2014.

V – SUR LES TRAVAUX

->Cass. Civ. 3ème – 11 mars 2014 – n° 12-28333 :
Les dispositions de l’article 1720 du Code civil sur les réparations à la charge du bailleur n’étant pas d’ordre public, et dans la mesure où le bail mettait à la charge du bailleur, les seules grosses réparations ainsi que le clos et le couvert selon l’usage, il n’était tenu que des réparations concernant la solidité et la structure générale de l’immeuble.
Ayant constaté que les infiltrations présentes dans la cave étaient dues à un défaut d’étanchéité des parements extérieurs des maçonneries enterrées et à l’absence d’aération permanente, les juges d’appel ont pu en déduire que les travaux préconisés, soit la mise en place d’une cloison contre les maçonneries enterrées qui ne touchaient ni à la structure de l’immeuble, ni à sa solidité, ne constituaient pas des grosses réparations à la charge du bailleur. Le bail prévoyait en outre que le preneur souffrirait des grosses réparations nécessaires aux locaux pendant la durée du bail sans pouvoir réclamer aucun indemnité ni diminution de loyers, quelle que soit la durée du bail. Cette clause dérogatoire à l’article 1724 du Code civil ne peut s’appliquer que si la gêne occasionnée est normale.

->Cass. Civ. 3ème – 21 mai 2014 :
Met à la charge du locataire, les travaux de mise en conformité des lieux loués avec les règlements d’hygiène et sécurité, la clause par laquelle « le preneur devra se conformer scrupuleusement aux prescriptions, règlements et ordonnances en vigueur ou à venir, notamment en ce qui concerne la voirie, la salubrité, l’hygiène, la sécurité, la police… et supporter le cas échéant le coût de la mise en conformité avec lesdits règlements ».

->Cass. 3ème civ. – 19 novembre 2014 – n° 12-27.061 :
En application de l’article 1719 du Code civil, le bailleur est tenu d’une obligation de délivrance qui concerne aussi bien la délivrance de la chose louée au moment de la prise d’effet du bail que son maintien en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée pendant l’exécution du contrat, de sorte que le bailleur est tenu de cette obligation pendant toute la durée du bail.

->Impact de la loi PINEL :
Les charges, impôts et taxes relèvent désormais de l’article L 145-40-2 nouveau du Code de commerce, complété par les articles R 145-35, R 145-36 et L 145-37. Avant cette réforme, dans le domaine du bail commercial, aucun texte ne régissait la répartition des dépenses liées aux travaux, charges et impôts entre le bailleur et le locataire. La conséquence logique était la liberté contractuelle. Tout au plus la jurisprudence avait exigé une clause contractuelle expresse pour les mettre à la charge du preneur. En ce qui concerne les travaux rendus nécessaires par l’état de l’immeuble loué, aucune disposition spéciale n’était non plus prévue et s’appliquait le droit commun du bail lorsque des clauses contractuelles ne prévoyaient rien. Dans les contrats comportant de telles clauses, il était fait application de l’obligation générale de délivrance depuis l’arrêt rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation du 9 juillet 2008. Le résultat de la liberté contractuelle était que la partie qui supportait les conditions liées à ces travaux, charges et impôts, pouvait assez mal mesurer la portée de certains de ses engagements, notamment en ce qui concerne les travaux, ce qui pouvait avoir des conséquences sur l’équilibre économique de son fonds de commerce.

Désormais les articles L 145-40-2 et R 145-35 du Code de commerce apportent une limite de deux ordres à la liberté contractuelle :
La première est que certaines charges ne peuvent plus être imputables au preneur, leur liste étant fixée par l’article R 145-35 du Code de commerce ;
La seconde limite est liée aux exigences relatives à la meilleure information du locataire. Le bail doit comprendre un inventaire précis et limitatif des charges, impôts et redevances en indiquant leur répartition entre les parties. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel permettant au locataire d’avoir le détail des charges acquittées.
Des dispositions similaires sont prévues pour les travaux.

Ces dispositions sont applicables à compter de la publication du décret, c’est-à-dire le 5 novembre 2014.

VII – SUR LES CLAUSE D’INDEXATION

->Cass. 3ème civ. – 3 décembre 2014 – n° 13-25.034 :
Les clauses d’indexation se référant à un indice de base fixe, ne contreviennent pas à l’article L 112-1 du Code monétaire et financier dès lors qu’il y a concordance entre la période de variation de l’indice et celle de variation du loyer.
Par voie de conséquence, en présence d’un évènement créant une distorsion effective entre l’intervalle de variation indiciaire et la durée s’écoulant entre deux révisions, la clause d’indexation pourra être réputée non écrite.

->CA Versailles – 12ème chambre – 10 mars 2015 – n° 13-08.116 :
La Cour d’Appel de Versailles a réputé non écrite une clause d’indexation ne variant qu’à la hausse, mais que pour partie et la valide pour le reste. La Cour de Versailles sanctionne la clause au motif que l’exclusion de l’indice à la baisse revient à interdire toute diminution du montant du loyer, ce qui paralyse le fonctionnement de l’article L 145-39 du Code de commerce, texte d’ordre public qui exige une réciprocité. Toutefois, la Cour d’Appel n’a pas considéré que toute la clause devait être réputée non écrite mais uniquement la stipulation qui interdit la variation du loyer à la baisse.

La clause d’indexation subsiste en ce qu’elle n’était pas contraire à l’article L 112-1 du Code monétaire et financier, puisque les périodes de variation de l’indice et celles de variation du loyer sont toutes deux annuelles et les juges du fond ont recalculé le loyer non pas depuis la date d’effet du bail mais depuis la 1ère année où cette clause aurait dû conduire à une baisse de loyer. Le bailleur a donc été condamné à rembourser ce seul trop perçu.

->Impact de la loi PINEL : suppression de l’ICC :
L’ICC n’est plus l’indice de droit commun du bail commercial. Il a été supprimé au profit de l’ILC et de l’ILAT dans les articles L 145-34 et L 145-38. Mais il a été maintenu par l’article L 112-2 du Code monétaire et financier. Cette suppression ne concerne donc que le calcul du plafonnement légal mais pas les clauses d’indexation, domaine contractuel. Cette coexistence des indices est source d’insécurité juridique.

VIII – SUR L’ÉTAT DES LIEUX, CHARGES, IMPÔTS ET TAXES

->La loi PINEL vient modifier cet aspect.
Il est créé dans le statut une section 6bis « de l’état des lieux, des charges locatives et des impôts » contenant les articles L 145-40-1 et L 145-40-2.

->Ainsi l’état des lieux relève de l’article L 145-40-1 du Code de commerce et non plus de la liberté contractuelle. il doit être dressé lors de la prise de possession des locaux par le locataire en cas de conclusion du bail, de cession ou de mutation à titre gratuit de son fonds de commerce et lors de la restitution des lieux loués. Le texte précise qu’il doit être établi, soit contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par eux, soit par un huissier de justice à l’initiative de la partie la plus diligente et dans ce cas il y a partage par moitié des frais entre les parties au bail. Cet état des lieux doit être joint au bail conservé par chacune des parties. S’il n’a pas fait toutes les diligences nécessaires en vue d’établir l’état des lieux le bailleur ne peut bénéficier de la présomption de l’article 1731 du Code civil et devra prouver selon le droit commun. Ces dispositions d’ordre public s’appliquent en principe pour les baux conclus ou renouvelés après le 20 juin mais également pour les baux conclus avant cette date si un état des lieux d’entrée a été établi lors de la prise de possession.

CONCLUSION

Dans un prochain article, seront donc évoquées toutes les premières applications jurisprudentielles découlant de la loi PINEL et de son décret d’application.

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