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Photo du rédacteurValérie LEPOUTRE

Loi Kasbarian : une réforme louable mais inefficace pour les bailleurs ?




Plusieurs affaires retentissantes de squats ont ouvert le débat sur les difficultés rencontrées par les bailleurs pour faire valoir leurs droits face à des locataires indélicats ou des occupants sans droit ni titre.

En réponse, le législateur a proposé le 27 juillet 2023, une nouvelle loi n°2023-668 dite « Kasbarian » dont l’objectif est de rééquilibrer les rapports entre bailleurs et locataires et d’accélérer les procédures judiciaires.

 

Explications !


Lorsque votre bail comportait une clause dite « clause résolutoire », celle-ci autorisait le bailleur à faire délivrer, par un commissaire de justice, un commandement de payer visant la clause résolutoire au locataire . Cet acte précisait qu’à défaut de régler, sous deux mois, l’arriéré de loyers indiqué, la clause résolutoire serait acquise et le bail prendrait fin de plein droit.


En d’autres termes, le bailleur ne pouvait pas saisir la justice avant l’expiration dudit délai deux mois. Toute assignation en justice, aux fins de voir déclarer acquise la clause résolutoire, délivrée moins de deux mois après la signification du commandement de payer était déclarée irrecevable.


Ce délai de deux mois prévu à l'article 24, alinéa 1, et 1°, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 a été réduit à six semaines par l’article 10 de la loi du 27 juillet 2023.

Cette réduction de deux semaines est malheureusement diluée dans les délais d’audiencement.  Lorsque les avocats sollicitent auprès des greffes une date d’audience qui sera bien évidemment indiquée sur l’assignation en justice, les premières dates disponibles sont le plus souvent éloignées de trois ou quatre mois parfois davantage devant certaines juridictions.


De plus, la Cour de cassation dans un arrêt du 13 juin 2024 n° 24-70.002 vient encore de réduire le bénéfice de cette mesure.

A la question de savoir si le délai de six semaines était applicable aux baux en cours, la haute juridiction répond :

 

« 10. Dès lors, son article 10, en ce qu'il fixe désormais à six semaines le délai minimal accordé au locataire pour apurer sa dette, au terme duquel la clause résolutoire est acquise, ne s'applique pas immédiatement aux contrats en cours, qui demeurent régis par les stipulations des parties, telles qu'encadrées par la loi en vigueur au jour de la conclusion du bail, et ne peut avoir pour effet d'entraîner leur réfaction."

 

Si la clause résolutoire du contrat de bail en cours spécifie un délai de deux mois conformément aux précédentes dispositions légales en vigueur de la signature, alors elles perdureront. En revanche, si la clause résolutoire portée au contrat de bail ne stipule aucun délai alors les dispositions nouvelles s’appliqueront.


En conclusion, l’intention du législateur était louable mais la réalité judiciaire prive cette mesure de l’effet bénéfique escompté pour les bailleurs.


Une loi fixant des délais aux justiciables pour déposer leur dossier de demande d’aide juridictionnelle aurait certainement été plus efficace sur la maîtrise des délais de procédure mais cela fera l’objet d’un autre article au goût de billet d’humeur…

 

Valérie LEPOUTRE

Avocat à la Cour - Département Droit Immobilier

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