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Photo du rédacteurMarie-Anne BRUN-PEYRICAL

Responsabilité civile des propriétaires de biens immobiliers :


Logement décent ou responsabilité du fait des bâtiments ?

Le fondement juridique change en fonction du statut de l’occupant des lieux.


  1. La loi SRU du 13 décembre 2000, bien connue des propriétaires-bailleurs, dispose que le bailleur est tenu de mettre à disposition du locataire un logement décent, ainsi défini : « un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifeste pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.»

Les dispositions de la loi SRU du 13 décembre 2000 ont été insérées dans la loi du 6 juillet 1989, applicable en matière de baux d’habitation, en son article 6, mais également dans l’article 1719 du Code civil qui dispose que le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de location, et sans qu’il soit besoin de stipulation particulière, « de délivrer au preneur la chose louée et s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. »

En conséquence, cette obligation imputable aux bailleurs concerne donc toute location de locaux d’habitation constituant la résidence principale du preneur qu’ils soient ou non soumis à la loi du 1989.

 

  1. Mais qu’en est-il lorsque l’occupant des lieux ne dispose d’aucun droit ni aucun titre ? Le propriétaire est-il tenu d’entretenir son bien ? Est-il responsable en cas de dommage subi par l’occupant ?

Un couple de propriétaire d’un bien immobilier avait conclu un bail d’habitation avec des locataires. Une décision de justice avait déchu la dernière locataire de tout titre d’occupation et ordonné la libération des lieux dans les 4 mois suivant la notification de la décision.

L’ancienne locataire se maintient dans les lieux et chute de la fenêtre à la suite de la rupture du garde-corps sur lequel elle avait pris appui. Elle assigne en indemnisation la société gestionnaire du bien immobilier, les propriétaires ainsi que le syndicat des copropriétaires, le syndic et les assureurs respectifs.

Vis-à-vis des propriétaires, l’occupante sans droit ni titre fondait ses demandes au visa de l’ancien article 1386 du Code Civil (devenu 1244 du code civil) qui disposait que « le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction. »

  1. La Cour d’Appel de PARIS, dans son arrêt du 10 septembre 2019 (n° 18/01892), fait droit à la demande de la victime. Les propriétaires du bien immobilier forment un pourvoi.

A l’appui de leur pourvoi, les propriétaires des lieux faisaient valoir que la victime avait commis une faute en lien causal avec la réalisation des dommages en ne libérant pas les lieux et que cette faute devait exonérer en tout ou partie les propriétaires. Par ailleurs, le fait d’avoir toléré le maintien dans les lieux de la victime n’ôte pas à l’occupation sans droit ni titre son caractère illicite.

Dans un arrêt rendu le 15 septembre 2022 (n°19-26.249), la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation a confirmé les dispositions de l’arrêt au motif que « l’occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier par la victime ne peut constituer une faute de nature à exonérer le propriétaire du bâtiment au titre de sa responsabilité, lorsqu’il est établi que l’accident subi par cette dernière résulte d’un défaut d’entretien de l’immeuble ».

  1.  Il s’agit d’une solution particulièrement sévère pour les propriétaires en ce que l’exonération de ces derniers semble dorénavant impossible sur le fondement de la responsabilité des bâtiments : une fois les éléments constitutifs de la responsabilité du propriétaires démontrés (vice de construction, défaut d’entretien, etc…à l’origine d’un dommage subi), la preuve d’une cause étrangère de nature à exonérer le propriétaire est très difficile à rapporter.

Depuis un arrêt rendu le 17 février 2002 par le 2ème Chambre civile de la cour de cassation, la faute exonératoire de la victime est quasi impossible à rapporter.

Dans l’arrêt de la Cour de Cassation, les propriétaires ont fait état de l’occupation sans droit ni titre de l’occupante pour rapporter la preuve de la faute de la victime, pour tenter d’obtenir au mieux une exonération totale et au minimum une réduction de l’indemnisation de la victime.

La Cour de Cassation, dans son arrêt rendu le 15 septembre 2022, semble aller plus loin encore en considérant que l’existence même d’un accident résultant du défaut d’entretien de l’immeuble empêcherait d’invoquer l’existence d’une faute de la victime (en l’espèce, l’occupation sans droit ni titre de l’immeuble).

C’est une décision très dure pour tous les propriétaires de biens immobiliers qui sont occupés par des squatters dans l’attente de leurs expulsions en ce que d’une part, aucune indemnité mensuelle d’occupation n’est perçue par le propriétaire lui causant un prémier préjudice financier et d’autre part, ils pourront être condamnés à verser une indemnisation en cas d’accident pour défaut d’entretien, sauf peut-être à rapporter la preuve du refus manifeste de l’occupant à laisser le propriétaire réaliser ses travaux …


Marie-Anne BRUN-PEYRICAL

Avocat Senior - Droit Immobilier


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