Le DPE (ou Diagnostic de Performance Energétique) est un document obligatoire avant la vente d'un bien immobilier en France, conformément à l'article L.134-1 du Code de la construction et de l'habitation : il fournit des informations sur la consommation énergétique du bien et son impact environnemental et est réalisé par un diagnostiqueur, professionnels certifiés conformément aux normes en vigueur.
Le DPE attribue une étiquette énergie, notée de A à G, qui classe le bien immobilier en fonction de sa consommation d'énergie : les biens immobiliers ayant une étiquette A sont les plus économes en énergie, tandis que ceux avec une étiquette G sont les moins performants.
Également, le DPE indique la quantité d'énergie consommée annuellement par le bien immobilier, exprimée en kilowattheures par mètre carré (kWh/m²) ce qui permet d'évaluer les coûts énergétiques associés.
De plus, le DPE fournit une estimation des émissions de CO2 liées à la consommation énergétique du bien immobilier : ces émissions sont également classées de A à G, avec A représentant les émissions les plus faibles et G les plus élevées.
Également, le DPE peut contenir des détails sur les équipements de chauffage, de refroidissement, de production d'eau chaude sanitaire. Il peut indiquer l'antériorité des installations et leur état général.
A ce titre, le DPE peut inclure des recommandations pour améliorer la performance énergétique du bien : ces recommandations peuvent concerner l'isolation, le système de chauffage, l'éclairage et permettent aux propriétaires de prendre des mesures pour réduire la consommation d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre.
Enfin, le DPE signale la présence de matériaux interdits par la loi au titre de la santé publique et la sécurité des personnes comme le plomb dans les peintures ou l’amiante ou la présence d’insectes xylophages.
Depuis la loi Elan n°2018-1021 du 23 novembre 2018 et surtout depuis le 1er juillet 2021, le DPE devient juridiquement opposable ce qui signifie qu’en cas d’erreur sur le diagnostic, le locataire ou l’acquéreur peut se retourner contre le propriétaire-bailleur (pour le premier) et le vendeur (pour le second) engageant ainsi leur responsabilité contractuelle (ainsi que celle, bien évidemment, du diagnostiqueur).
En revanche, seules les recommandations portant sur les actions possibles afin d’améliorer la performance énergétique du bâtiment, accompagnées d’une évaluation de leur coût et de leur efficacité restent purement informatives.
Enfin, l'article L.271-4 du Code de la construction et de l'habitation dresse ainsi la liste des diagnostics qui doivent être annexés au compromis de vente et à l’acte authentique de vente :
- Constat de risque d’exposition au plomb,
- Présence ou absence de matériaux ou produits contenant de l’amiante,
- Etat relatif à la présence de termites,
- Etat de l’installation intérieur de gaz,
- Etat des risques naturels et technologiques,
- Etat des installations intérieures d’électricité,
- Diagnostic de Performance énergétique (DPE),
- Document établi à l’issue du contrôle des installations d’assainissement non collectif (fosse septique)
Jusqu’à présent, bien que le diagnostic n’eût qu’un rôle informatif, des sanctions étaient possibles vis-à-vis du vendeur et/ou du diagnostiqueur, fondées sur la perte de chance.
Dans un arrêt rendu le 8 juillet 2015 (n°13-26686), la Chambre Mixte de la Cour de Cassation a considéré que contrairement aux diagnostics, termite ou amiante, le DPE ouvre droit à une indemnisation sur le fondement de la perte de chance de n’avoir pas pu acheter un bien immobilier ou de n’avoir pas pu le négocier à moindre prix.
Une réduction du prix de vente a été accordée par la Cour de Cassation dans un arrêt rendu par la 3ème Chambre civile le 9 juillet 2020 (n°19-17.516).
Aujourd’hui, du fait même de l’opposabilité du DPE, l’acheteur (ou le locataire) qui s’estime bafoué pourra prétendre à une indemnisation plus importante comme le remboursement des travaux d’isolation, des consommations d’énergies, etc…
Mais qu’en est-il pour l’agent immobilier ? Quelles sont les conséquences vis-à-vis de sa responsabilité en cas d’erreurs ou d’inexactitude des mentions du DPE ?
I – La position classique de la jurisprudence vis-à-vis de la mise en cause de la responsabilité de l’agent immobilier :
Les agents immobiliers sont tenus de fournir des informations précises, complètes et transparentes aux parties concernées dans une transaction immobilière. Ils doivent notamment informer les clients sur les caractéristiques du bien, son état, les diagnostics obligatoires, les servitudes, les règles d'urbanisme, les droits et obligations des parties.
Ils sont tenus à une obligation de conseil et d’information.
Les agents immobiliers doivent se tenir informés des réglementations en vigueur, de se former régulièrement et d'adopter des pratiques professionnelles rigoureuses pour minimiser les risques de responsabilité juridique. Le recours à une assurance responsabilité civile professionnelle est également fortement recommandé pour se protéger contre les éventuels litiges.
Cependant, il a toujours été considéré par la jurisprudence de la Cour de Cassation que l’agent immobilier n’est pas un spécialiste de la construction, ni un professionnel du bâtiment pour les vices cachés affectant un bien immobilier [Cass. 3ème Civ. 26/10/2017 n°16-21951 ; Cass. 3ème Civ. 21/01/2015, n°13-17982].
Depuis un arrêt du 8 avril 2014, la Cour de Cassation rappelle régulièrement que l’agent immobilier « n’étant pas un professionnel de la construction, les acquéreurs ne peuvent soutenir que le vice était caché pour eux mais apparent pour l’agent immobilier ; que les époux Z n’apportent pas la preuve qui leur incombe que la société X avait connaissance du vice non apparent affectant l’immeuble au moment de la vente ». [Cass. 3ème Civ. 08/04/2014, n°09-72747].
Le professionnel de l’immobilier n’a pas à faire de recherches destructives, ni à faire de diligences supplémentaires si l’état apparent de l’immeuble et les informations reçues ne le justifient pas : « Attendu qu’ayant d’une part relevé qu’il était mentionné sur l’annonce de l’agence immobilière que l’immeuble était une ferme habitable à rénover entièrement et que les désordres affectant les colombages situés derrière l’essentage n’avaient été mis en évidence que par l’enlèvement des ardoises, alors qu’un agent immobilier n’étant pas un professionnel du bâtiment n’a pas à pratiquer des sondages destructifs. » [Cass. 3ème Civile 09/12/2014 n°13-24.765].
En conséquence, et selon une jurisprudence constante, « n’étant pas un spécialiste de la construction mais un spécialiste du négoce immobilier », la responsabilité de l’agent immobilier ne peut être engagée à raison des vices cachés que seul l’usage du bien ou des investigations réalisées par un homme de l’art, à moins qu’ils n’aient été portés à sa connaissance par les vendeurs. [CA Montpellier, 1ère chambre, 18 février 2016, n°13-07751].
Également, l’agent immobilier ne manque pas à son obligation d’information dans le cas du silence gardé par les vendeurs sur les désordres constructif affectant le bien vendu :
« Mais attendu qu’ayant retenu qu’il ne pouvait être reproché à l’agence immobilier de ne pas avoir avisé les acquéreurs du défaut affectant les fondations dès lors qu’il était établi que ces désordres n’étaient pas visibles lors des visites effectuées par les futurs acquéreurs et la preuve n’est pas rapportée qu’elle avait eu connaissance du vice caché, que si les fissurations de la façade étaient visibles, ni leur gravité, ni leur origine ne pouvait être appréhendée par un non professionnel, la cour d’appel qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ». [Cass. 3ème Civile 23/10/2013, n° 10-15.687].
In fine, lorsque les désordres affectant l’immeuble ne sont pas apparents au moment de la vente et qu’ainsi, la preuve n’est pas rapportée que l’agent immobilier avait une connaissance du vice caché, le manquement au devoir de conseil n’est pas établi [Cass. 1er Civile 16/01/2007, n°04-12.908].
Mais qu’en est-il pour les vices apparents tels que mentionnés dans un DPE ou lorsqu’ils auraient dû être mentionnés dans un DPE ?
II - L’arrêt de la Cour de Cassation du 16 mars 2023 en application du principe d’opposabilité du DPE
Comme indiqué précédemment, les agents immobiliers ont un devoir de conseil et d’information envers leurs clients sur toutes les obligations légales liées à la vente de leur bien : une obligation qui touche donc les diagnostics obligatoires dont le vendeur n’aurait pas connaissance.
Avant la première visite, les agents immobiliers doivent s’assurer que le DPE est bien à jour et présent pour chaque bien qu’ils louent ou vendent.
Il est ainsi de leur responsabilité de vérifier que les DPE sont réalisés par des professionnels certifiés conformément aux normes en vigueur et qu’ils soient mentionnés :
- dans les annonces immobilières selon l’article L 134-4-3 du code de la construction et de l’habitation ;
- dans les annexes de l’avant-contrat (promesse de vente, compromis de vente) ou à l’acte authentique de vente,
- dans les annexes du contrat de location lors de sa signature ou de son renouvellement.
Aux termes d’un arrêt rendu par la 3ème Chambre Civile de la Cour de cassation en date du 16 mars 2023 (N° de pourvoi : 21-25.082), les propriétaires d’un bien ayant découvert la présence d’amiante dans la maison après la vente et dans le cadre de travaux de rénovation ont ainsi pu engager la responsabilité du diagnostiqueur et de l’agent immobilier afin d’obtenir leur condamnation in solidum au titre du manquement à leurs obligations d’information à les indemniser du montant total des travaux de désamiantage des matériaux.
# Préalablement à la vente, un pavillon de type « Mondial Pratic » situé à Noisy-le-Grand (au prix net vendeur de 265 000 €) avait fait l’objet d’un rapport amiante établi par la société « CAPDIAG » laquelle avait conclu à l’absence d’amiante dans le bien.
Ayant découvert la présence d’amiante dans la maison postérieurement à la vente et à la suite de recherches internet, les acquéreurs ont assigné le diagnostiqueur et l’agent immobilier en indemnisation de leurs préjudices.
# Il convient de rappeler que l'amiante est un matériau naturel fibreux qui a été largement utilisé dans le passé dans le secteur de la construction en raison de ses propriétés isolantes, ignifuges et résistantes à la corrosion (dans les revêtements de sol, les isolants, les panneaux de plafond, les conduits de ventilation, les tuiles de toit, les tuyaux et les joints d'étanchéité).
Lorsque la présence d’amiante est abondante au sein du bien immobilier qui en contient sur les conduits d’évacuation des gaz, sur les murs extérieurs, sur les panneaux thermoplastiques, il est impossible de rénover ou de réaliser les moindres travaux sans encourir les surcoûts directement liés à l'amiante.
# Par un arrêt en date du 28 septembre 2021, la Cour d’appel de PARIS avait fait droit aux demandes des requérants en condamnant la société CAPDIAG à hauteur de 85% et la société VERNIER IMMO CONSEIL à hauteur de 15% à payer la somme 185.899 €, l’agent immobilier ayant « commis une faute en n’informant pas les acquéreurs de la présence très probable d’amiante dans le bien qu’elle avait pour mandat de vendre ».
L’agent immobilier a formé un pourvoi en alléguant que :
- n’étant pas un professionnel de la construction, il était légitimement en droit de se fier à un rapport technique établi par un professionnel compétent ;
- les acquéreurs avaient connaissance du type de maison « Mondial Pratic » lors de la conclusion de l’acte de vente ;
- en tout état de cause, les conséquences d’un manquement au devoir d’information ne peuvent s’analyser qu’en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses, ce qui excluait toute condamnation au coût de la destruction et de la reconstruction des produits amiantés.
# La Cour de Cassation a confirmé les dispositions de l’arrêt tant en droit que sur le partage de responsabilité, en considérant qu’en « sa qualité de professionnel de l’immobilier, mandataire du vendeur, l’agent immobilier ne pouvait ignorer que le bien dont il réalisait la vente était une maison de type « Mondial Pratic », procédé de construction à base de plaques en fibrociment contenant de l’amiante, et que c’est seulement après la vente que, par des recherches sur internet, l’acquéreur avait été informé de la possible présence d’amiante dans le bien concerné ».
De ce fait, il appartenait à l’agent immobilier de mentionner la date et le type de construction de la maison dans la promesse de vente, s’agissant des caractéristiques essentielles du bien vendu ; à défaut, l’agent immobilier commet une faute engageant sa responsabilité.
Conclusion
L’apport de l’arrêt de la Cour de Cassation rendu le 16 mars 2023 est double :
la Cour de Cassation a renforcé l’obligation d’information et de conseil à laquelle est tenue l’agent immobilier en sa qualité de « professionnel de l’immobilier » alors même que ce dernier n’est pas « un professionnel de la construction » ou du bâtiment :
Dorénavant, l’agent immobilier doit donc porter un regard critique sur les conclusions d’un DPE établi par un professionnel et connaître les caractéristiques techniques des maisons individuelles (en l’espèce, construites depuis 1976 par la société MONDIAL PRATIC)
la Cour de Cassation valide l’indemnisation intégrale du préjudice subi (à savoir le coût total des travaux nécessaires au désamiantage du bien immobilier), celui-ci ne s’analysant plus comme une perte de chance (en l’espèce, fort probablement en raison de la présence de l’amiante qui est un matériau dangereux pour la santé).
Cette indemnisation intégrale avait déjà été admise par la Cour de Cassation dans un arrêt rendu le 8 décembre 2016 (n°15-20.497) puis le 7 mars 2019 (n°17-31.080) mais uniquement à l’encontre du diagnostiqueur qui n’avait pas décelé la présence de termites et en raison d’un préjudice revêtant un caractère certain.
Marie-Anne BRUN PEYRICAL
Avocat senior – Pôle Immobilier