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Photo du rédacteurAgathe DIOT-DUDREUILH

Enfant logé par ses parents et qualification de libéralité au moment de la succession : l’intention libérale ne se présume toujours pas !



une fille dans une ferme avec des poules

En 1998, deux parents mariés sous le régime de la communauté de biens consentent un bail à cheptel et donnent en bail à ferme leur exploitation agricole à leurs fils.


Le père décède en 2008, laissant ainsi pour lui succéder son épouse commune en bains, et leurs deux enfants. Des difficultés surviennent lors du règlement de la succession.


La Cour d’appel de RIOMS, dans un arrêt du 8 mars 2022, avait condamné le fils, considérant que ce dernier était tenu de rapporter à la succession de son père les sommes correspondants aux fermages non payés, constitutives, selon la Cour d’appel, de donations déguisées.


La Première Chambre civile de la Cour de cassation, (Cass.1ère civ.11 septembre 2024, n°22-19.129) saisie sur pourvoi, censure la décision de la Cour d’appel, qui n’avait pas donné de base légale à sa décision dès lors qu’elle n’avait pas constaté l’intention libérale.

La question était ici très centrée puisqu’il s’agissait de savoir si l’absence de règlement des loyers dus par un enfant à ses parents permet-elle de qualifier une donation déguisée, rapportable à la succession ?


  • Des principes clairs


En premier lieu, la Cour de cassation rappelle les principes attachés aux rapports à succession, pour ensuite conclure que l’intention libérale ne se présume pas et ne résulte pas ipso facto de l’appauvrissement du disposant.


Conformément à l’article 843 du Code civil, le rapport consiste, pour l’héritier, à restituer ce qu’il a reçu du défunt par donation lors de l’ouverture de la succession, de façon à ce que ce ou ces biens soient partagés avec ses cohéritiers.


L’article 853 du Code civil précise que sont également soumis au rapport, les avantages indirects résultant de conventions conclus entre le de cujus et un héritier.


Par quatre arrêts de 2012, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation, a retenu que la mise à disposition gratuite d’un logement au profit de son enfant n’est rapportable que si elle constitue une libéralité, ce qui suppose « un appauvrissement du disposant dans l’intention de gratifier son héritier » (Cass, 1ère civ., 18 janvier 2012, n°11-12.863, Cass.1ère civ., 18 janvier 2012, n°09-72.542, Cass.1ère civ., 18 janvier 2012, n°10-25.685, Cass.1ère civ., 18 janvier 2012, n°10-27.325).

 

Pour qu’une telle situation soit qualifiée de donation indirecte et soit soumise au rapport, il faut donc rapporter la preuve de deux éléments constitutifs de la libéralité :

-       Un élément matériel : un appauvrissement du disposant corrélatif à un enrichissement du gratifié,

-       Un élément intentionnel : une intention libérale du disposant.

C’était en l’espèce ce second élément que devait analyser la Haute juridiction, l’appauvrissement du disposant découlant naturellement de l’absence de loyers versés par l’enfant.

 

 

  • L’intention libérale rappelée et privilégiée


En cassant l’arrêt de la Cour d’appel motif que cette dernière n’avait pas constaté l’intention libérale, la Haute juridiction confirme l’application des précédents principes et rappellent une fois encore que le seul élément matériel (appauvrissement du donateur et enrichissement corrélatif du donataire) est en lui-même insuffisant à caractériser une donation rapportable à la succession.


Ainsi, celui qui réclame un rapport successoral doit démontrer l’intention libérale du disposant, qui ne peut se présumer de part l’existence de l’élément matériel ou comme dans la présente décision de l’absence de loyers.


Or, cette démonstration étant loin d’être aisée en pratique, la Haute juridiction confirme ici sa jurisprudence bien établie sur une restriction de la requalification de libéralité lors de la mise à disposition à titre gratuit d’un logement à l’un des enfants.

 

Avocat Collaborateur

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