Reconnaissance d’un jugement de divorce étranger – les effets des mesures provisoires ordonnées en France et jugement devenu définitif à l’étranger
- Camille VINCENT
- 31 juil.
- 3 min de lecture

Civ. 1ère, 21 mai 2025, n°23-17.532, B+L
Une décision étrangère prononçant le divorce est de nature à priver d’objet une procédure de divorce elle-même introduite en France.
Ainsi, les mesures provisoires prises dans le cadre de la procédure française deviennent caduques à compter du jour auquel le jugement étranger est revêtu de l’autorité de la chose jugée.
***
En l’espèce, une femme a saisi un tribunal français (le tribunal de grande instance, devenu depuis lors le Tribunal judiciaire de Mulhouse) d’une demande en divorce. Le tribunal saisi a rendu une Ordonnance de non conciliation du 17 juin 2019 par laquelle étaient fixée des mesures provisoires applicables pendant toute la durée de la procédure, et en particulier, une pension alimentaire de 500 euros par mois au bénéfice de l’épouse, et à une contribution à l’entretien et l’éducation des enfants de 650 euros par mois et par enfant.
L’époux a interjeté appel de cette Ordonnance, et a également introduit une procédure de divorce en Californie.
La juridiction américaine semble avoir été plus rapide que le tribunal de Mulhouse car un jugement de divorce en date du 8 avril 2022 a été rendu par le tribunal supérieur de Californie.
L’époux s’est donc prévalu, au stade l’appel, de ce que le jugement américain de divorce rendait irrecevable l’action en divorce introduite en France et ce, de manière rétroactive. Selon l’époux, cette irrecevabilité rendait donc les mesures financières caduques de façon rétroactive.
La Cour d’appel saisie (Cour d’appel de Colmar, 4 avril 2023) a rejeté les demandes de l’époux, lequel s’est pourvu en cassation.
Devant la Cour de cassation, l’époux soulève notamment les mêmes arguments, sollicitant de voir jugée l’action en divorce introduite en France irrecevable, et les mesures provisoires prononcées en suite de cette action, caduques, en raison du fait qu’un jugement de divorce américain avait depuis lors été rendu.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’époux.
Elle énonce qu’une procédure de divorce engagée en France devient privée d’objet et les mesures provisoires ordonnées pour la durée de la procédure deviennent effectivement caduques lorsque le divorce a été prononcé à l’étranger par une décision passée en force de chose jugée remplissant les conditions de sa reconnaissance en France.
La cour de cassation rappelle : « La caducité d’un titre exécutoire ne le prive pas de son efficacité pour la période antérieure à la caducité. »
La cour de cassation en déduit que la caducité affectant les mesures provisoires prises en application de l’article 255 du code civil n’a d’effet qu’à compter de la date à laquelle la décision étrangère passe en force jugée.
En l’espèce donc, la décision américaine était devenue définitive le 30 juin 2022. C’est donc à compter du 30 juin que les mesures provisoires ont cessé de produire effet.
Il y a lieu de se réjouir de l’utile éclaircissement effectué par la Cour de cassation. En effet, les mesures provisoires découlent des obligations du mariage, et doivent rester en vigueur tant que le divorce n’est pas revêtu de l’autorité de la chose jugée (c’est-à-dire à l’expiration des voies de recours à l’encontre de la décision).
Cette solution, applicable en matière interne, l’est aussi en matière internationale.
Ainsi la décision de divorce californienne, à compter du jour où elle est revêtue de l’autorité de la chose jugée, fait cesser les effets des mesures provisoires, lesquelles cèdent leur place aux effets du divorce.
Naturellement, la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants demeure, en son principe mais par en son montant, les mesures provisoires cédant leur places aux effets du divorce, tant que les enfants ne sont pas indépendants financièrement.
Camille VINCENT Avocat Collaborateur