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Directive « Transparence salariale » :Une directive qui change la donne

  • Photo du rédacteur: Vincent PLET
    Vincent PLET
  • 29 oct.
  • 6 min de lecture
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La directive européenne sur la transparence salariale, adoptée le 10 mai 2023 et devant être transposée obligatoirement en droit français avant le 7 juin 2026, marque un tournant dans la lutte contre les inégalités de rémunération entre femmes et hommes.


Ce texte impose aux entreprises des obligations inédites en matière d’information, de reporting et de correction des écarts salariaux, avec un renversement de la charge de la preuve en cas de contentieux.


Par cet article nous vous proposons de faire le point sur les nouvelles obligations, les risques et les bonnes pratiques à adopter en anticipation de sa transposition dans le droit français.


 

1. Les nouveautés clés de la Directive :


1.1. Une transparence exigée dès le recrutement :


Dès juin 2026, les entreprises devront :


Ø  Mentionner dans l’annonce la rémunération initiale proposée ou au moins une fourchette salariale dans toutes les offres d’emploi. 

 

Ø  Informer les candidats sur les dispositions pertinentes de la convention collective applicable (ex : avantages, primes de vacances, d’ancienneté, assiduité, le treizième mois, les minimas conventionnels, …).

 

Ø  Interdire toute question sur les salaires antérieurs des candidats pour éviter la perpétuation des inégalités, concrètement : interdiction de demander aux candidats leur historique salariale (notamment la rémunération de leur dernier poste) et les prétentions salariales des candidats.


→ Enjeux :

  • Avantage : Clarifier les attentes des candidats et réduire les déceptions en cours de processus.

  • Risque : Réduire le vivier de candidats si les fourchettes sont trop étroites (ex. : exclusion des profils juniors prometteurs en raison du fait que la fourchette donne une idée précise du profil recherché : confirmé, intermédiaire ou junior).

 

→ En pratique :

 

Peu d’impact, si ce n’est sur l’interdiction de demander la rémunération antérieurement perçue.


1.2. Une obligation de transparence dans la fixation et la politique de rémunération :


Les entreprises auront l’obligation de mettre à disposition de leurs salariés :

·      Les critères de fixation de la rémunération 

·      Les niveaux de rémunérations

·      La progression de la rémunération


1.3. L’ouverture d’un droit à l’information pour les salariés :


La directive ouvre pour l’ensemble des travailleurs (salariés, intérimaires, apprentis ou stagiaires), un droit d’accès élargi à des informations sur les rémunérations :


Ø  Création d’un droit d’information : Chaque salarié pourra demander par écrit son niveau de rémunération et les moyennes par sexe pour des postes comparables, l’entreprise devra lui fournir une réponse sous 2 mois à compter de sa demande.

Si ce droit peut être exercer directement par le travailleur, il pourra également l’être par l’intermédiaire de ses représentants ou du Défenseur des Droits.

Par ailleurs, l’employeur devra informer chaque année les travailleurs de l’existence de ce droit par tout moyen (intranet, courriel, …).

Ø  L’interdiction des clauses de confidentialité : Aucune disposition ne pourra interdire aux salariés de discuter entre eux de leurs salaires et de se communiquer entre eux des informations sur leurs rémunérations.

En conséquence, les salariés pourront plus facilement repérer les discriminations et engager des négociations ou des recours.


1.4. Un nouvel index des rémunérations plus complexe


Les entreprises devront, au moins tous les trois ans pour celles entre 50 et 250 salariés et tous les ans pour celles de plus de 250 salariés, établir un nouvel index des rémunérations comprenant :

 

  • critère n° 1 : l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes ;

  • critère n° 2 : l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes au niveau des composantes variables ou complémentaires ;

  • critère n° 3 : l’écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes ;

  • critère n° 4 : l’écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes sur les composantes variables et complémentaires ;

  • critère n° 5 : la proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins bénéficiant de composantes variables et complémentaires ;

  • critère n° 6 : la proportion de travailleurs féminins et masculins dans chaque quartile ;

  • critère n° 7 : l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes par catégorie de travailleurs, ventilé par salaire ou traitement ordinaire de base et par composantes variables ou complémentaires.

 

→ En pratique :

 

Pour les 6 premiers critères, peu de difficultés devraient être rencontrées, dans la mesure où il est prévu par le ministère du travail, une automatisation par le biais de la DSN.

 

En revanche, le critère n°7 risque de poser de nombreuses difficultés, du fait de la définition retenue par la directive de même valeur : « les compétences, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail, ainsi que, s'il y a lieu, tout autre facteur pertinent pour l'emploi ou le poste concerné »  faisant entrer dans l’équation des critères non-objectifs reposant sur l’environnement de travail et sur des compétences non-techniques qui sont par nature plus difficile à appréhender. 

 

Ainsi, on peut légitimement s’attendre à une modification de la définition du principe « à travail égal, salaire égal ». 

 

1.4. Renversement de la charge de la preuve en matière de discrimination :

Avant la directive, le salarié devait fournir des éléments à l’appui de ses allégations.


Après juin 2026, ce sera à l’employeur de prouver qu’il ne discrimine pas.


Un tel renversement, risque d’entrainer une augmentation des recours tant individuels que collectifs. Ainsi, plusieurs professionnels ont déjà noté une préparation des syndicats sur ce sujet et la préparation de potentielles actions.

 

D‘autant que la directive prévoit que le juge devra éviter de condamner le salarié aux frais irrépétibles supportés par l’employeur et que la prescription de 3 ans prévu ne court qu’à compter de la prise de conscience de l’employeur de la violation du principe d’égalité. Ainsi, l prescription ne court pas tant que la violation est en cours et devra être suspendu ou interrompu par la plainte du salarié devant quelque organisme que ce soit.


Enfin, les managers, qui seront nécessairement en première ligne, risquent d’être soumis à une pression accrue pour justifier les écarts constatés par les salariés. 


Il est donc indispensable pour les entreprises de se prémunir de ce risque en formant les managers à expliquer les écarts et en se constituant des données RH fiables, dans la mesure où tout reposera sur la capacité de l’entreprise à fournir des données fiables et objectives pour expliquer l’écart allégué par le salarié.

 

2. Les défis concrets pour les entreprises


2.1. Redéfinir les catégories de postes comparables :


Le cœur du dispositif repose sur l’identification de groupes de salariés effectuant un travail de même valeur.


Or, cette tâche est complexe pour les entreprises aux métiers variés ou aux historiques hétérogènes (fusions, acquisitions, ancienneté).


Il est donc essentiel pour les entreprises de revoir leurs catégories professionnelles pour vérifier que celles-ci sont bien définies, au risque d’alimenter des contentieux, en cas d’absence de définition claire.


2.2. Anticiper l’impact sur le recrutement :


Si la présente directive peut permettre de clarifier les attentes des candidats et de réduire les déceptions en cours de processus.


Il convient également de bien anticiper les risques :


Ø  Réduction du vivier si les fourchettes sont trop étroites ;

Ø  Difficulté à attirer des profils atypiques (ex. : jeunes talents sous-qualifiés mais prometteurs).


Pour pallier les difficultés, il est conseillé de :

Ø  Élargir les fourchettes pour laisser une marge de négociation.

Ø  Expliquer les critères de fixation des salaires (expérience, compétences).


2.3. Un renversement des dynamiques en matière de dialogue social et de communication :

La transparence va également modifier les dynamiques internes :

  • Syndicats : Scrutiner les écarts et exiger des explications.

  • Managers : Justifier les écarts devant leurs équipes.

  • Salariés : Exprimer des frustrations si les inégalités ne sont pas corrigées.


En conséquence, il est conseillé, de :

Ø  Impliquer les syndicats en amont pour co-construire les catégories de postes.

 

Ø  Former les managers à expliquer les écarts (critères objectifs, traçabilité des décisions).

 

Ø  Mettre à jour le processus interne des DRH afin de formaliser les critères d’évaluation


3. Comment se préparer ? Les étapes clés et bonnes pratiques à mettre en place


3.1. Audit des données RH :

Action

Responsable

Échéance

Croiser données de paie, ancienneté, classifications

DRH / Responsable paie

D’ici fin 2025

Identifier les écarts par sexe et catégorie

Équipe projet RH

1er trimestre 2026

 

3.2. Redéfinir les classifications et former les managers :


Étapes :

  1. Analyser les métiers pour définir des groupes comparables (ex. : croiser classification interne et branche professionnelle).

  2. Former les managers à :

    • Justifier les écarts (critères objectifs : performance, ancienneté, compétences).

    • Gérer les demandes des salariés (réponses claires, traçabilité).

 

3.3. Communiquer en transparence :


Stratégie :

  • Informer les salariés sur leurs nouveaux droits (note interne, formations).

  • Expliquer les actions menées pour réduire les écarts (rapport RSE, site web).

  • Anticiper les questions avec des canaux dédiés (boîte mail RH, chatbot).

 

4. EN CONCLUSION, la directive transparence est un chantier majeur avec de multiples impacts, qu’il est important d’anticiper les évolutions à venir au risque de multiplier les sources de tensions au sein de l’entreprise et donc les contentieux


Il est donc essentiel de se préparer dès maintenant pour éviter les tensions et les risques juridiques.

D’autant qu’il est prévu qu’en cas de non-respect de la transparence salariale, l’employeur pourra être sanctionné d’une amende administrative proportionnelle à sa masse salariale ou forfaitaire en fonction de la gravité du manquement.


Vincent PLET

Avocat Collaborateur

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