Ordonnance de protection et autorité parentale : un pas de plus dans la reconnaissance de ce qu’un conjoint violent ne peut pas demeurer un bon parent
- Camille VINCENT
- 31 juil.
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Civ. 1ère 5 février 2025, n°23-13.181 (78F-D)

Lorsque le juge délivre une ordonnance de protection il peut, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, confier au parent victime de violences conjugales l’exercice exclusif de l’autorité parentale.
Ainsi peut se résumer cet arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 février dernier (23-13.181), lequel marque une avancée supplémentaire dans la reconnaissance de ce qu’un conjoint violent ne peut pas demeurer un bon parent.
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En l’espèce, une femme victime de violences de la part de son conjoint avait sollicité l’octroi d’une ordonnance de protection. Elle avait également sollicité que l’exercice de l’autorité parentale sur les enfants mineurs lui soit attribué à titre exclusif.
La Cour d’appel saisie (Cour d’appel de Caen) lui a effectivement confié l’exercice exclusif de l’autorité parentale, ce que l’époux a contesté jusqu’en Cour de cassation.
Dans son pourvoi, il faisait état de ce que la lettre du texte de l’article 515-11,5° du Code civil ne dispose que des modalités d’exercice de l’autorité parentale, et non des conditions d’exercice de l’autorité parentale, qui sont effectivement deux notions différentes.
En effet, les modalités d’exercice de l’autorité parentale résident dans l’organisation des prérogatives parentales et les décisions que les parents peuvent prendre, quand les conditions d’exercice de l’autorité parentales sont soit conjointes, soit unilatérales.
La question était donc celle de savoir si le juge rendant une ordonnance de protection pouvait retirer au parent violent l’exercice de l’autorité parentale, au-delà d’une interprétation stricte de l’article 515-11, 5° du Code civil.
Par son arrêt du 5 février 2025, la première chambre civile de la cour de cassation y répond par la positive, en rejetant le pourvoi du conjoint violent, avec l’argumentation suivante :
« Selon l'article 515-11, 5°, du code civil, à l'occasion de la délivrance d'une ordonnance de protection, après avoir recueilli les observations des parties sur chacune des mesures, le juge aux affaires familiales est compétent pour se prononcer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et, au sens de l'article 373-2-9, sur les modalités du droit de visite et d'hébergement […]
5. Il en résulte que ce juge peut, en application de l'article 373-2-1 du même code, si l'intérêt de l'enfant le commande, confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents. »
La cour de cassation interprète ainsi le texte à la lumière des objectifs du dispositif de l’ordonnance de protection, c’est-à-dire la protection des victimes de violences intrafamiliales.
Cette interprétation est justifiée par la nécessité de protéger les enfants exposés aux violences conjugales commises par l’un de leurs parents, dont l’intérêt est que les décisions les concernant soient prises exclusivement par leur autre parent. Cet arrêt est la suite d’une décision de la même chambre de la cour de cassation, ayant statué que la démonstration du danger encouru par les enfants n’était pas requise pour interdire au parent violent de recevoir ou rencontrer ses enfants.
En allant plus loin, cette interprétation protège également, par ricochet le parent victime de violence, dans un contexte où l’on sait que de nombreuses décisions ressortant de l’exercice de l’autorité parentale peuvent être détournés par le parent auteur de violences conjugales.
Il s’agit donc d’une interprétation de l’article 515-11-5° du Code civil que l’on ne peut qu’encourager.
Camille VINCENT Avocat Collaborateur