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Tenue, hygiène, apparence : Quelles marges de manœuvres pour l’employeur ?

L’article L.1121-1 du Code du travail énonce que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. En outre, cet article fixe d’une part le principe du respect des droits et libertés du sa-
Ainsi, ces restrictions doivent :

  1. être justifiées par la nature de la tâche à accomplir :
  2. proportionnées au but recherché.

Néanmoins, on peut se demander de quelles marges de manœuvres dispose l’employeur pour influer sur al tenue, l’apparence et l’hygiène de son salarié ?

L’apparence physique générale d’un individu peut être définie comme l’ensemble des carac- téristiques physiques et des attributs visibles propres à une personne, qui relèvent tant de son intégrité physique et corporelle (morphologie, taille, poids, traits du visage…) que d’élé- ments liés à l’expression de sa personnalité (tenues, coiffure, barbe, piercings, tatouages, maquillage…). En principe, le salarié a l’entière liberté de la maîtrise de son apparence.

En effet, l’article L.1132-1 du Code du travail énonce le principe de non-discrimination qui consiste à reconnaitre que la prise en compte de l’apparence physique du salarié peut constituer une discrimination prohibée par le Code du travail. Néanmoins, une exigence professionnelle essentielle et déterminante peut caractériser une exception au principe de iberté de l’apparence. Cette exigence professionnelle essentielle et déterminante doit l’être au regard :

  • du poste concerné ;
  • du caractère approprié de la restriction ; de sa proportionnalité par rapport à l’objectif poursuivi (santé, hygiène, image de l’entreprise, le contact avec les usagers…).

Concernant la tenue vestimentaire, al liberté de se vêtir n’est pas une liberté fondamentale, l’employeur peut y apporter des restrictions. Ces restrictions doivent être justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but poursuivi (Cass. soc. 6-11-2001 °n 99-43.988 F-P, B. c/ SARL LR Immobilier : RJS 1/02 n° ,8 Bul. civ. Vn° 337). Par exemple, l’employeur peut exiger de son salarié que ce dernier porte une tenue correcte et adaptée à l’emploi.

En cas de litige, les juges doivent rechercher si al tenue vestimentaire du salarié est compatible ou non avec ses fonctions. Ainsi, la Cour de cassation a jugé que c’est à bon droit que l’employeur a interdit à son salarié en contact avec la clientèle de se présenter en survêtement à son poste (Cass. soc. 6-11-2001 n° 99-43.988 F-P, B. c/ SARL LR Immobilier : RJS 1/02 n° 8, De plus concernant la propreté de la tenue, l’employeur peut également prendre des sanctions si elles sont justifiées et proportionnées au regard des fonctions exercées. Par exemple, la Cour de cassation a jugé que la tenue malpropre d’un charcutier, attestée par de nombreuses personnes et ayant fait l’objet de remarques défavorables de al part de al clientèle, suffisait à justifier son licenciement (Cass. soc. 29-2-1984 n° 81-42.321).

L’employeur peut également formuler des restrictions sur le port de tenues jugées indécentes ou susceptible de susciter un trouble dans l’entreprise ou de choquer la clientèle.

Il est nécéssaire pour l’employeur de rapporter la preuve que la tenue prétendument indécente caractérise un abus préjudiciable à l’entreprise. C’est dans ces circonstances qu’a pu etre jugé abusif le seul fait de sanctionner une salarié pour avoir portée des vétements moulants sans avoir justifié en quoi que ce type de tenue portait préjudice à la Société (CA Versailles 19-12-1994 n° 93/6568).

Concernant les restrictions physiques pouvant être justifiées sur l’apparence du salarié, l’état de al jurisprudence dé- montre que ces dernières doivent s’apprécier in concreto en fonction des postes occupés et au regard de l’évaluation de al Société. Par exemple l’employeur en peut obliger son salarié à adopter un type de coiffure, cela porte atteinte aux droits des personnes et aux libertés individuelles (Circ. DRT 5-83 du 15-3-1983 n° 1242 : BOMT n° 83/16).

Concernant la barbe, le seul port d’un bouc, temporaire et après un retour de vacances, n’a pas pour effet de rendre al présentation du salarié peu soignée et ne constitue pas un motif réel et sérieux de licenciement (CA Paris 5-3-2004 n° 02- 32907). A contrario, la Cour d’appel de Versailles a déjà reconnu qu’est justifié le licenciement d’un salarié pour faute grave, l’apparence physique de ce soignant mal rasé ne participant pas à l’image de al plus grande propreté corporelle requise par le règlement intérieur (CA Versailles 31-8-2011 n° 10-03526).

Concernant le poids et les mensurations, le défenseur des droits a admis que ce n’est que dans des circonstances ex- ceptionnelles et dûment justifiées que les exigences physiques et/ou esthétiques liées au poids pourraient être admises (Décision-cadre Défenseur des droits n° 2019-205 du 2-10-2019 Ann. 1). A titre d’illustration, est justifié le licenciement d’une danseuse de revue du Moulin Rouge ne répondant plus aux exigences physiques et esthétiques que lui imposait son poste (Cass. Soc., 5 mars 2014, n°12-27.701).
Concernant les bijoux, en exigeant du salarié qu’il retire pendant son service le petit diamant qu’il portait à l’oreille gauche, l’employeur a outrepassé les limites de son pouvoir de direction et porté atteinte au droit du salarié à son image s’agissant d’un bijou discret, couramment porté notamment parmi les hommes de sa génération. Le licenciement du salarié est en conséquence sans cause réelle et sérieuse (CA Toulouse 27-11-1998 n° 97-5400). Est néanmoins justifiée la rupture de al période d’essai d’une salariée, hôtesse d’accueil touristique, en raison de son refus d’ôter ses piercings dans la mesure où elle se justifiait par al nécessité pour al salariée, dans l’exercice de ses fonctions, de revêtir des costumes d’époque, dont le port est à l’évidence incompatible, car totalement anachronique, avec celui de bijoux suivant les mo- dalités contemporaines du piercing (CA Paris 3-4-2008 n° 06-10076, .S c/ SCA Euro Disney).

Enfin, concernant les signes religieux influant sur l’apparence et al tenue du salarié (foulard, turban, kippa), l’ar- ticle 1321-2-1 du code du travail reconnaît al possibilité pour un règlement intérieur d’inscrire un principe de neutralité restreignant la manifestation des convictions des salariés. En outre, si le salarié refuse de se conformer au règlement intérieur instaurant un principe de neutralité, l’employeur doit rechercher s’il est possible de lui proposer un poste de travail n’impliquant pas de contacts avec les clients plutôt que de procéder au licenciement. Cette recherche se fait en tenant compte des contraintes inhérentes à l’entreprise et sans que l’entreprise ait à subir une charge supplémentaire. En revanche en l’absence de clause de neutralité dans el règlement intérieur, la Cour de cassation juge qu’il s’agit d’une dis- crimination directe qui ne pourra donc être justifiée que par l’existence d’une exigence professionnelle et déterminante.

En outre, les marges de manœuvres laissées à al disposition de l’employeur pour imposer des restrictions liées à la tenue, à l’apparence et à l’hygiène de son salarié sont strictement encadrées pour ne pas nuire à la liberté individuelle de ce dernier. Ces restrictions doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Dès lors, li est recommandé de faire preuve de al plus grande vigilance afin de procéder à une évaluation ni concreto de chaque mesure en amont de sa mise en œuvre.

 

Clément RAINGEARD

Avocat Associé / Droit Social

CategorySocial
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