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FAMILLE : Le mariage n’echappe pas au principe de la retroactivite de l’annulation : le rappel necessaire de la cour de cassation !

Civ. 1ère, 25 septembre 2013, n°12-2641 – FS-P+B+I

Madame A. et Monsieur B. se sont mariés une première fois le 2 Juillet 2001 en Algérie, puis une seconde fois le 9 avril 2005 en France.

Le 9 mars 2009, Madame A. a été assignée par le Procureur de la République aux fins d’annulation du mariage prononcé le 9 avril 2005, celui-ci soulevant l’état de bigamie des époux au moment de la célébration de cette seconde union.

A titre reconventionnel, Madame A. a formulé une demande pour voir constater la nullité du mariage contracté le 2 Juillet 2001 entre elle et Monsieur B., en raison de l’existence, à cette date, d’une précédente union entre Monsieur B. et une autre femme, Madame F.
En effet, il était apparu que Monsieur B. avait déjà contracté mariage avec Madame F. en 1998, et n’avait divorcé de cette dernière qu’en 2002.

Le 2 juillet 2001, Monsieur B. était donc déjà marié.

Madame A. soutenait ainsi que le premier mariage célébré le 2 juillet 2001 était nul en raison de l’existence d’une précédente union non dissoute à cette date, et que cette nullité ayant pour effet de faire disparaître rétroactivement le mariage ainsi annulé, de sorte que les époux étaient censés n’avoir jamais été mariés, il convenait de considérer que le second mariage célébré le 9 avril 2005 était valable.

Par Jugement en date du 21 juin 2011, et faisant droit à la demande de madame A., le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a prononcé la nullité du mariage contracté le 2 juillet 2001, aux motifs qu’à cette date, Monsieur B. était encore dans les liens du mariage avec Madame F., de sorte qu’il était devenu bigame.

Toutefois, et contre toute attente, le tribunal prononçait également la nullité du mariage contracté le 9 avril 2005.

Les juges ont en effet considéré qu’à la date du 9 avril 2005, les époux étaient déjà dans les liens du mariage et que Madame A. ne pouvait faire valoir la nullité de leur premier mariage pour voir constater la validité du second dans la mesure où cette nullité n’était prononcée qu’au jour du Jugement, soit le 21 juin 2011.

Ce faisant, le Tribunal raisonnait comme si l’annulation ne prenait effet qu’à compter du jugement, ignorant ainsi purement et simplement le caractère rétroactif de l’annulation du mariage qu’il venait de prononcer.

Madame A. a naturellement interjeté appel de cette décision, aux fins de voir infirmer le jugement en ce qu’il avait prononcé la nullité du mariage célébré le 9 avril 2005.

Le 21 juin 2012, la Cour d’appel de VERSAILLES a confirmé le jugement entrepris quant à l’annulation des deux mariages du 2 juillet 2001 et du 9 avril 2005.

Etonnamment, la Cour d’appel a validé en substance le raisonnement du Tribunal.

Ne pouvant toutefois raisonnablement adopter le même raisonnement que les premiers Juges, dont la motivation allait manifestement à l’encontre des fondements même de la théorie des nullités, la Cour d’appel a considéré que, si le prononcé de la nullité faisait bien disparaître rétroactivement le mariage célébré le 2 juillet 2001, la validité du second mariage devait néanmoins s’apprécier au jour de sa célébration, soit le 9 avril 2005 ; qu’or, à cette date, le premier mariage n’étant pas dissous et sa nullité n’ayant pas encore été prononcée, les époux se trouvaient en état de bigamie en raison de l’existence de leur précédente union.

La motivation des juges d’appel était donc tout aussi étonnante que celle de leurs prédécesseurs.

En effet, si la Cour d’appel prenait le soin de souligner que le prononcé de la nullité faisait rétroactivement disparaître le mariage célébré le 2 juillet 2001, elle affirmait pourtant, de manière tout à fait contradictoire, que la validité du second mariage devait s’apprécier au jour de sa célébration.

A travers une telle motivation, et par un moyen détourné, la Cour d’appel ne faisait en réalité que priver l’annulation prononcée de son caractère rétroactif.

En effet, la reconnaissance expresse par la Cour d’appel du caractère rétroactif de l’annulation du mariage du 2 juillet 2001 aurait normalement dû conduire cette dernière à considérer que ce mariage n’avait jamais existé, et donc à rejeter le grief de bigamie opposé pour invalider l’union du 9 avril 2005.

Madame A. s’est donc pourvue en cassation, afin de voir casser et annuler l’arrêt de la Cour d’appel en ce qu’il avait prononcé la nullité du mariage célébré le 9 avril 2005.

La Cour de cassation devait donc se poser la question de savoir :

si le prononcé de l’annulation d’un mariage doit produire un effet rétroactif, de sorte que ce mariage est censé n’avoir jamais existé, et ce quelle que soit la date à laquelle cette nullité est prononcée ;
ou si la validité d’un mariage doit s’apprécier au jour de sa célébration, de sorte qu’en cas de mariages successifs, le second mariage ne peut être considéré comme valable dès lors que l’annulation du premier mariage aura été prononcée postérieurement à la célébration du deuxième.

C’est fort heureusement la première solution qui a été retenue par la Cour de cassation qui, dans son arrêt du 25 septembre 2013, a cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel de VERSAILLES, mais seulement en ce qu’il avait prononcé la nullité du mariage célébré le 9 avril 2005 entre Madame A. et Monsieur B.

La Cour de cassation a en effet considéré qu’en statuant comme elle l’avait fait, la Cour d’appel avait violé les articles 147 et 189 du Code civil, dans la mesure où, « la nullité du premier mariage entraînant sa disparition rétroactive, le second mariage célébré entre les mêmes personnes ne peut être annulé du chef de bigamie, quand bien même la nullité du premier serait prononcé après la célébration du second ».

La Cour de cassation précise ainsi que le mariage n’échappe pas au principe de base de la théorie des nullités, à savoir la disparition ab initio de l’acte nul, rappelant par là-même que le mariage n’est finalement qu’un contrat comme un autre.

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