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FAMILLE : Gare aux conséquences liées au changement de résidence habituelle de l’enfant

 

Résumé :

  • Avant la saisine, le juge compétent pour statuer sur la responsabilité parentale est celui de l’Etat dans lequel l’enfant réside habituellement. Si sa résidence change en amont de la saisine, les règles de compétence sont amenées à changer – à quelques exceptions près,
  • Une fois saisi, le juge reste compétent, quand bien même la résidence de l’enfant est fixée dans un autre Etat membre ou dans un Etat tiers non partie à la Convention de la Haye du 19 octobre 1996.

Il n’en va pas de même si la résidence de l’enfant est fixée dans un Etat tiers lié par la Convention de la Haye du 19 octobre 1996 (par ex., Maroc, Australie, Suisse, Royaume-Uni – pour les actions introduites après le 1er janvier 2021).

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Lorsqu’un parent souhaite saisir le Juge aux affaires familiales pour que soit statué sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale (en l’occurrence que soit déterminé chez quel parent sera fixée la résidence habituelle de l’enfant), la question de la compétence territoriale du tribunal saisi se pose.

En droit interne, l’article 1070 du Code de procédure civile énonce ainsi les critères de compétence du juge français.

En présence d’un lien d’extranéité, il convient de se référer aux conventions internationales applicables et particulièrement :

  • au règlement européen n°2201/2003 du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale (appelé communément « Règlement Bruxelles II Bis ») : Aux termes de son article 8,

« 1. Les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie ».

Ainsi, le juge français sera compétent si, au jour du dépôt de la requête ou au jour où l’assignation est délivrée, la résidence habituelle de l’enfant est fixée en France ;

  • à la convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants.

Son article 5 énonce :

« 1. Les autorités, tant judiciaires qu’administratives, de l’Etat contractant de la résidence habituelle de l’enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens.

  1. Sous réserve de l’article 7, en cas de changement de la résidence habituelle de l’enfant dans un autre Etat contractant, sont compétentes les autorités de l’Etat de la nouvelle résidence habituelle.»

La compétence du juge français dépend également du lieu de résidence habituelle de l’enfant.

Les textes internes n’auront vocation à s’appliquer (articles 14 et 15 du Code civil) pour fonder la compétence des juridictions françaises que dans les seules hypothèses où les textes internationaux ne s’appliqueront pas.

A l’inverse, l’article 61 du Règlement Bruxelles II bis prévoit que dans l’hypothèse où les deux textes trouvent à s’appliquer, le règlement prévaudra chaque fois que « l’enfant concerné a sa résidence habituelle sur le territoire d’un État membre ».

L’on pourrait a priori penser que, quelque soit le texte applicable, les conditions posées pour la détermination de la compétence des juridictions sont similaires.

Or, tel n’est pas le cas lorsque le changement de résidence habituelle de l’enfant intervient postérieurement à la saisine.

Il en va ainsi dans l’affaire suivante : au jour de la saisine du juge français, les deux enfants du couple avaient leur résidence en France chez leur père. Puis, au cours de la procédure en divorce, le père est incarcéré. Il accepte alors que les enfants résident en SUISSE et y soient scolarisés, nonobstant la procédure en cours.

Le père interjette appel de l’ordonnance de non-conciliation. La mère requiert que les juridictions françaises se déclarent incompétentes au profit des juridictions suisses.

La Cour d’appel de Lyon se déclare compétente sur le fondement de l’article 8 du règlement Bruxelles II bis, dès lors que la résidence habituelle des enfants était établie en France au jour du dépôt de la requête en divorce et que le changement licite de résidence de l’enfant n’emporte pas transfert de compétence.

La Cour de cassation, par un arrêt rendu le 30 septembre 2020 sous le RG n° 19-14.761, a cassé cette décision, considérant qu’il convenait bien plus d’appliquer, en l’espèce, l’article 5 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996.

En effet, si l’on reprend les critères d’application posés par l’article 61 du Règlement Bruxelles II bis, le règlement prévaut lorsque « l’enfant concerné a sa résidence habituelle sur le territoire d’un État membre ».

Il n’est pas spécifié à quel moment doit être constaté cette résidence habituelle – au moment du dépôt de la demande en divorce ou au moment où le juge statue.

En l’absence d’une telle précision et afin de préserver une interprétation littérale de l’article 61, la Cour de cassation a considéré qu’en pareille hypothèse, la résidence habituelle de l’enfant doit s’apprécier au jour où le juge statue.

Ce faisant, dès lors que la résidence habituelle de l’enfant n’était plus localisée en France mais en Suisse, Etat tiers lié par la Convention de La Haye du 19 octobre 1996, il convenait d’appliquer non plus le règlement Bruxelles II bis mais la convention de La Haye du 19 octobre 1996. Au regard de l’article 5 de ladite convention, les juridictions françaises n’étaient plus compétentes à compter du changement de résidence des enfants.

Prisca BLARD

Avocate

 

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