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FAMILLE – RECONNAISSANCE AUTOMATIQUE DES DIVORCES EXTRAJUDICIAIRES : LA NOTION DE « DECISION » SELON LE REGLEMENT BRUXELLES II BIS

 

 

CJUE 15 novembre 2022, C-646/20

Une personne de nationalités allemande et italienne avait épousé une personne de nationalité italienne en 2013 à Berlin (Allemagne). Le mariage avait été inscrit au registre des mariages de Berlin (Allemagne).

De 2017 à 2018, et selon une procédure propre au droit italien, le couple italo-allemand a divorcé par accord conclu entre les époux et confirmé devant l’officier d’état civil italien.

A l’issue de la procédure extrajudiciaire italienne, l’officier d’état civil italien avait donc pu délivrer à l’époux de nationalité allemande et italienne le certificat visé à l’article 39 du Règlement Bruxelles II bis[1] permettant la reconnaissance du divorce dans l’Union Européenne.

Une fois la procédure italienne terminée, l’ex-époux avait alors demandé au service d’état civil allemand de transcrire ce divorce sur les registres des mariages de Berlin.

Mais les autorités allemandes avaient alors décidé que l’inscription du divorce par voie extrajudiciaire dans le registre des mariages n’était possible qu’après une reconnaissance par le ministère de la Justice Allemand.

En revanche, le ministère de la Justice Allemand – saisi par l’ex-époux- avait rejeté la demande de reconnaissance de ce divorce extra-judiciaire au motif qu’il ne s’agissait pas d’une décision nécessitant une reconnaissance.

L’ex-époux avait donc formé un recours administratif devant les juridictions allemandes, lesquelles avaient saisi la Cour de Justice de l’Union européenne de la question de savoir si la notion de « décision » du règlement Bruxelles II bis[2], en matière de reconnaissance des décisions de divorce, couvrait également le cas d’un divorce extrajudiciaire résultant d’un accord conclu par les époux, confirmé puis prononcé par l’officier de l’état civil d’un Etat membre, conformément à la législation de ce dernier.

L’enjeu était de s’assurer que le divorce extra-judiciaire italien bénéficiait bien de la reconnaissance automatique prévue par le règlement[3].

Par cet arrêt, la cour de Justice de l’Union européenne précise les contours de la notion de décision. La Cour de Justice énonce qu’un acte de divorce établi par un officier d’état civil de l’Etat membre d’origine, comportant un accord de divorce conclu par les époux et confirmé par ceux-ci en conformité avec la législation de cet Etat membre constitue bien une « décision » au sens du règlement Bruxelles II bis.

La Cour précise qu’en matière de divorce, la notion de « décision » visée par le règlement couvre toute décision de divorce, qu’elle intervienne à l’issue d’une procédure judiciaire ou extra judiciaire, pour autant que le droit des Etats membres confère également aux autorités extra-judiciaires des compétences en matière de divorce.

La cour rappelle en sus sa jurisprudence selon laquelle le champ d’application du règlement Bruxelles II bis ne couvre que les divorces prononcés soit par une juridiction étatique, soit par une autorité publique ou sous son contrôle.

Aussi, dès lors qu’une autorité extrajudiciaire compétente approuve un accord de divorce, après examen sur le fond, elle prend une « décision » qui bénéficie de la reconnaissance de plein droit, conformément au règlement Bruxelles II bis.

En filigrane, cet arrêt confirme que le divorce français par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, n’étant pas un acte authentique, n’est donc pas une « décision » mais bien plutôt un « accord », lequel ne bénéficie pas de la reconnaissance de plein droit prévue par le Règlement Bruxelles II bis.

Camille VINCENT

Avocat à la Cour – Pôle Droit des Personnes et de la Famille

[1] Certificat concernant les décisions en matière matrimoniale et certificat concernant les décisions en matière de responsabilité parentale

« La juridiction ou l’autorité compétente de l’État membre d’origine délivre, à la requête de toute partie intéressée, un certificat en utilisant le formulaire dont le modèle figure à l’annexe I (décisions en matière matrimoniale) ou à l’annexe II (décisions en matière de responsabilité parentale). »

[2] Telle que visée dans l’article 2 point 4 du Règlement Bruxelles II bis, lequel déclare : « 4) « décision » toute décision de divorce, de séparation de corps ou d’annulation d’un mariage, ainsi que toute décision concernant la responsabilité parentale rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination de la décision, y compris les termes « arrêt », « jugement » ou « ordonnance »; »

[3] Article 21.1. du Règlement Bruxelles II bis : « Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. »

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