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IMMOBILIER: CRISE SANITAIRE ET DELAI DE LIVRAISON DANS LES VENTES D’IMMEUBLE A CONSTRUIRE (VENTE A TERME /VEFA)

Depuis la période de confinement, l’exécutif a confirmé que les chantiers pouvaient se poursuivre si les conditions sanitaires étaient respectées (distanciation sociale, gestes barrières…) et a même incité à leur poursuite afin de ne pas paralyser l’économie.

Nonobstant les vœux du gouvernement, de très nombreux chantiers ont dû être interrompus ou suspendus par précaution, soit que les salariés des entreprises aient exercé leur droit de retrait soit que l’entreprise ne pouvait garantir toutes les conditions sanitaires requises sur ses chantiers.

Cette situation pouvant générer des retards de livraison, un point de la situation s’impose.

I – PRINCIPES APPLICABLES EN CAS DE RETARD DE LIVRAISON HORS CRISE SANITAIRE

1.1 – Les risques encourus par le vendeur hors crise sanitaire

Hors crise sanitaire, le retard dans la livraison du bien peut être générateur de difficultés pour le vendeur.

1 – En effet, tout d’abord, le contrat de vente peut prévoir des pénalités de retard à la charge du vendeur.

En cette hypothèse, ces pénalités seront, en principe, automatiquement dues pour tout retard qui ne serait pas justifié par une cause de force majeure ou une cause légitime de retard prévue au contrat.

La Cour de cassation a pu juger que le seul retard de livraison imputable au vendeur suffit à la mise en œuvre des pénalités de retard, indépendamment de la preuve de tout préjudice distinct (Cass. 3e civ., 20 déc. 2006 n° 05-20.065).

Il faut néanmoins conserver à l’esprit que les pénalités de retard sont qualifiées par les tribunaux de clause pénale, de sorte que le juge peut en réduire le montant si celui-ci lui apparait manifestement excessif.

2 – À défaut de pénalités de retard prévues dans le contrat, les tribunaux ont pu juger que le retard affectant la livraison d’un bien pouvait être sanctionné :

  • par l’attribution de dommages et intérêts, peu important l’absence dans le contrat d’une clause prévoyant des pénalités en cas de retard, 
  • voire même par la résolution de la vente.

1.2 – Les moyens d’exonération de responsabilité du vendeur hors crise sanitaire

Le retard de livraison n’étant pas forcément fautif, hors crise sanitaire, le vendeur dispose de moyens de s’exonérer de sa responsabilité en démontrant que le retard de livraison ne lui est pas imputable (force majeure, fait d’un tiers, faute de l’acquéreur…).

Par ailleurs, dans de nombreux contrats, il existe des clauses prévoyant la faculté de reporter le délai de livraison pour des causes spécifiques (qui ne présentent pas forcément les caractères de la force majeure) telles que les jours d’intempéries, les jours de grève s’étendant à la profession, l’indisponibilité de certains matériaux, l’empêchement provenant d’actes ou de décisions émanant de l’autorité publique…

Ces clauses sont parfaitement valables.

II – LA CRISE SANITAIRE

Avec la crise sanitaire, acquéreur et vendeur peuvent être confrontés, plus que jamais, à un risque de retard dans la livraison du bien.

Pour autant, la responsabilité du vendeur ne sera pas, pour autant, automatiquement engagée.

En effet :

2.1 – Sur les clauses du contrat 

Le contrat peut prévoir que les épidémies constituent une cause légitime de report du délai de livraison.

La clause sera donc applicable même s’il est vrai qu’une telle clause est peu fréquente dans les contrats.

2.2 – Sur la force majeure 

Le Gouvernement a indiqué que la force majeure serait retenue pour les marchés publics de l’Etat, pour lesquels les pénalités de retard ne seraient pas appliquées. 

En revanche, aucune mesure spécifique n’a été prise en ce sens pour les autres marchés et notamment pour les marchés privés.

Du point de vue du vendeur, celui-ci pourrait néanmoins invoquer la force majeure en faisant état des circonstances indépendantes de sa volonté (impossibilité d’approvisionnement de matériau etc..) justifiant qu’il n’a pu poursuivre normalement le chantier (impossibilité d’approvisionnement de matériau etc..)

Du point de vue de l’acquéreur, à l’inverse, celui-ci pourrait soutenir que la force majeure n’est pas applicable dès lors :

  • que des crises sanitaires – certes moins graves que celle du Covid-19 – n’ont pas été qualifiées d’évènements de force majeure (pour l’épidémie de grippe H1N1 en 2009 : CA Besançon, 8 janv. 2014, n° 12/0229 , ou pour le virus du chikungunya : CA Basse-Terre, 17 déc. 2018, n° 17/00739).
  • que l’exécutif n’a pas interdit la poursuite des chantiers (de sorte qu’il pourrait être soutenu qu’il appartenait aux intervenants au chantier de prendre les mesures adéquates pour poursuivre l’activité)

Une analyse de cette question devra être faite au cas par cas et on peut penser que les Tribunaux, en cas de litige, feront preuve d’une certaine clémence, à l’égard du créancier de l’obligation (le vendeur) au regard de la situation inédite ayant affecté tous les corps de métier (en ce inclus les magistrats).

2.3 – Sur les pénalités de retard contractuelles

L’exécutif a prévu dans son ordonnance du 25 mars 2020, modifiée par ordonnance du 15 avril 2020, un mécanisme particulier pour les clauses pénales (et donc pour les pénalités de retard, lesquelles sont assimilables à des clauses pénales) en faveur du vendeur.

En effet :

1 – Si la livraison devait intervenir pendant la période juridiquement protégée (c’est-à-dire entre le 12 mars 2020 et jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence, soit en l’état jusqu’au 24 juin 2020 [mais ce délai devrait être prolongé, l’état d’urgence étant appelé à être prolongé]), alors les pénalités de retard sont paralysées et sont reportées d’une durée équivalente au temps écoulé entre d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.

Exemple : Si la livraison était prévue le 20 mars 2020, c’est-à-dire huit jours après le début de la période juridiquement protégée, les pénalités de retard sanctionnant le non-respect de cette échéance ne produiront leur effet que huit jours après la fin de la période juridiquement protégée (soit en l’état : 24 juin + 8 jours).

2 – Si la livraison doit intervenir après la période juridiquement protégée (c’est-à-dire un mois après la fin de l’état d’urgence, soit en l’état après le 24 juin 2020), alors les pénalités de retard sont reportées d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période.

Par exemple, si pour un contrat de vente conclu en 2018, la livraison devait intervenir le 15 septembre 2020, les pénalités de retard ne s’appliqueront pas dès le 16 septembre 2020 et seront reportées pour une durée égale à la période juridiquement protégée (ce qui correspond, en l’état à un délai supplémentaire de 3 mois et 12 jours : 12 mars au 24 juin 2020).

Eric BENJAMIN

Avocat Associé – BKP & Associés Avocats

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