IMMOBILIER : DEVOIRS & RESPONSABILITE DU CONSEIL SYNDICAL
Définition du Conseil Syndical :
# Le Conseil Syndical est un organe de la copropriété : il joue généralement un rôle d’intermédiaire entre le syndicat des copropriétaires et le syndic de copropriété.
Ses membres sont élus à la majorité absolue de l’article 25 de la loi de 1965 lors de l’assemblée générale ordinaire et exercent leurs missions de manière gratuite et bénévole pendant une durée de 3 ans.
# Le Conseil Syndical a de nombreuses missions au sein de l’immeuble et l’article 14 de l’ordonnance ELAN (article 21 de la loi du 10 juillet 1965) est venu redéfinir les missions du Conseil Syndical qui consistent en « la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes », à savoir :
– Assister le syndic de copropriété ;
– Contrôler la gestion du syndic de copropriété notamment dans sa gestion des comptes ;
– Conseiller le syndicat des copropriétaires sur toutes questions pour lesquelles il est consulté ou dont il se saisit lui-même.
# La responsabilité juridique du Conseil Syndical en tant qu’entité ne peut être engagée dans la mesure où le Conseil Syndical en tant que tel n’est pas doté de la personnalité morale (contrairement au Syndicat des Copropriétaires).
De ce fait, en cas de négligence, manquements, erreurs ou faute (civile ou pénale) portant préjudice à la copropriété ou à un tiers, seule la responsabilité des conseillers syndicaux dans l’exercice de leurs missions peut être engagée à titre personnel, de manière individuelle ou solidaire.
Ces manquements peuvent être :
– défaut de contrôle de gestion du syndic ;
– engagement sans aucune autorisation de dépenses qui de ce fait deviennent illégales ;
– entente frauduleuse avec le syndic ou un artisan.
C’est pour cette raison que l’ordonnance ELAN n°2019-1101 du 30 octobre 2019 impose au syndicat des copropriétaires de souscrire une assurance de responsabilité civile spécifique pour couvrir la responsabilité juridique des conseillers syndicaux.
Il convient de distinguer deux formes de responsabilité juridique qu’il est possible d’engager selon la faute commise et le préjudice subi.
La responsabilité civile du conseiller syndical :
Celle-ci peut être engagée lorsqu’un copropriétaire ou le syndicat des copropriétaires souhaite obtenir un dédommagement en réparation d’un préjudice subi.
Toutefois, pour ce faire, il sera nécessaire de prouver que le conseiller syndical a commis une faute lourde, (tel que l’inexécution de son mandat) et que cette faute a entrainé un réel préjudice à la copropriété (tel que le besoin de procéder à des travaux), étant précisé également que si la faute est liée à l’inexécution ou à une mauvaise exécution du mandat du conseiller syndical, la responsabilité sera de nature contractuelle ; à défaut, elle sera extra-contractuelle ou délictuelle.
En revanche, si un conseiller syndical agissant dans le cadre de son mandat, commet une erreur en faisant preuve de bonne foi et sans intention de nuire, il ne pourra être condamné.
A titre d’exemples :
* un président de conseil syndical peut être condamné pour avoir tenu des propos diffamatoires, soit à l’encontre du syndic, d’autres copropriétaires ou du gardien d’immeubles (CA POTIERS 3ème chambre, 17.01.2007, n°06/01197) ;
* un membre du conseil syndical peut être condamné s’il est établi qu’il a poursuivi un « intérêt strictement personnel » et non en vertu d’un mandat du syndicat des copropriétaires (CA NANCY 17.11.2015 n°15/02361).
La responsabilité pénale du conseiller syndical :
Dans des situations plus graves, la responsabilité pénale d’un conseiller syndical pourra être engagée si ce dernier commet une contravention, un délit ou un crime et qu’il ait accompli un réel trouble à la société à l’ordre public.
Pour engager la responsabilité pénale d’un conseiller syndical, il est nécessaire de prouver que celui-ci a commis une infraction grave tels que :
– tenue de propos diffamatoires ;
– entente frauduleuse avec un prestataire ;
– détournement de fonds,
– etc…
A l’issue de la procédure, le conseiller syndical pourra être condamné au paiement d’une amende, à de l’emprisonnement ou à une peine de prison.
Panorama des dernières décisions judiciaires rendues :
# Dans un arrêt rendu le 29 novembre 2018 (RG 17-25.790), la 3ème Chambre civile de la Cour de Cassation devait statuer sur la mise en cause de la responsabilité du Président du Conseil Syndical en raison d’une négligence commise dans la surveillance des comptes du syndic qui comportaient de nombreuses irrégularités et d’engagement de frais inutiles et particulièrement élevés en ayant recours à un maître d’œuvre, à un expert-comptable et à un avocat.
La Cour d’appel de PARIS avait débouté la copropriétaire demanderesse au motif que « l’éventuelle négligence dans la surveillance des comptes du syndic ne constitue pas en soi, en l’absence de collusion frauduleuse démontré entre le syndic et le président ou un membre du conseil syndical, une faute lourde qui engagerait alors la responsabilité du président ou du membre du conseil syndical » au visa de l’article ancien 1382 du code civil (devenu 1240 du même code).
Également, la Cour d’appel de PARIS avait débouté la copropriétaire au motif que « les frais litigieux n’avaient pas été jugés inutiles par l’assemblée générale ».
La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi ainsi engagé rappelant que « l’action en responsabilité délictuelle formée par un tiers à l’encontre d’un membre du conseil syndical et fondée sur un manquement contractuel s’exerce dans les limites prévues par le second alinéa de l’article 1992 du code civil » (théorie du mandat).
De ce fait, d’une part, la preuve d’une collusion frauduleuse entre le Président du Conseil syndical et le syndic n’ayant pas été rapportée, une simple négligence dans la surveillance des comptes du syndic ne peut engager la responsabilité dudit conseiller et d’autre part, les dépenses ainsi engagées l’ayant été dans la limite fixée par l’assemblée générale des copropriétaires, il n’y avait donc pas eu manquement au mandat donné par les copropriétaires.
La Cour de Cassation a ainsi rappelé que les membres du Conseil Syndical ne sont pas responsables de la gestion du Syndic mais uniquement mandataire du syndicat des copropriétaires : ils sont responsables envers ce dernier de leurs propres fautes.
Également, en raison du caractère bénévole et gratuit de leurs fonctions, la responsabilité des membres du Conseil Syndical ne peut être engagée que pour des fautes lourdes.
# Dans un jugement rendu le 1er février 2021, les juges du Tribunal Judiciaire de NANTERRE ont très lourdement sanctionné une Présidente du conseil syndical qui avait manifestement agi dans l’intention de nuire à ses voisins et avait manipulé l’assemblée générale des copropriétaires en retenant que « la démarche fautive de la Présidente du Conseil Syndical consistant à demander au syndic d’inscrire une résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 01/12/2013 portant habilitation de ce dernier à agir en justice pour remettre en cause un droit acquis de ces derniers (démolition d’une véranda installée sur une terrasse et autorisée à l’unanimité par les copropriétaires 20 ans plus tôt), ne s’inscrit pas dans la maison habituelle d’un membre du conseil syndical mais apparaît par sa gravité, détachable de sa mission habituelle, engageant pleinement sa responsabilité » (TJ NANTERRE 1er février 2021 n°17/06746).
C’est ainsi que le syndic et la Présidente du Conseil Syndical ont été condamnés solidairement à 158.000 € à titre de dommages et intérêts, car les fautes cumulées par ces derniers avaient entrainé la perte de valeur d’un bien immobilier situé sur la commune de BOULOGNE BILLANCOURT.
En l’espèce, le Tribunal a donc sanctionné un conseiller syndical qui avait largement outrepassé ses fonctions, étant rappelé que la règle générale pour le travail bénévole effectué dans l’intérêt collectif de la copropriété consiste plutôt à garantir une quasi-immunité aux membres du Conseil syndical.
En effet, en réponse à une question posée par le Sénateur Yves DETRAIGNE, le Ministre de la Justice avait rappelé le 27 août 2020 qu’en tant que bénévoles, les conseillers syndicaux bénéficient d’une quasi-immunité pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions au titre de leurs mandats.
Marie Anne BRUN PEYRICAL
Avocat sénior – Droit immobilier
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