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IMMOBILIER : LES ESPACES VERTS EN COPROPRIETE

Les copropriétés sont souvent pourvues d’espaces verts, plébiscités pour l’amélioration tant de l’esthétique globale qu’ils offrent aux ensembles immobiliers que de la qualité de vie qui y règne.

En copropriété, l’espace vert est une zone consacrée aux végétaux et éléments naturels situés dans des endroits communs ou privés, allant de la jardinière au parc arboré ou paysager en passant par une toiture terrasse végétalisée.

Ces espaces verts sont soumis à certaines exigences émanant du règlement de copropriétés, lesquelles divergent quelque peu qu’ils s’agissent d’espaces verts dits « communs » ou d’espaces verts dits « privatifs ».

I – Les espaces verts dits « communs » :

1-        La loi du 10 juillet 1965 définit la copropriété comme le « groupe d’immeubles bâtis dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part de parties communes ».

Le règlement de copropriété est le contrat qui gouverne la copropriété, en distinguant et en définissant notamment les parties communes des parties privatives et en dressant les droits et obligations afférents et attendus des copropriétaires.

Les espaces verts dits « communs » sont donc très logiquement définis voire assimilés aux parties communes par le règlement de copropriété.

# De ce fait, le règlement de copropriété peut interdire certains végétaux susceptibles de causer des désagréments d’un point de vue olfactif, visuel ou encore pour des risques de toxicité.

Également, aucun copropriétaire ne peut de son propre chef modifier l’espace vert dit « commun » sous peine qu’il lui soit reproché une appropriation des parties communes sans autorisation.

Un tel comportement l’exposerait à une mise en demeure de la part du syndic pour une remise en état initiale.

À défaut de réaction face à cette mise en demeure, le syndic peut faire réaliser cette remise en état, soit par une condamnation judiciaire sous astreinte, soit par une société tierce, aux frais de copropriétaire.

Une action en responsabilité est également envisageable contre le copropriétaire visé si ladite plantation venait à provoquer des dégâts.

De ce fait, il doit préalablement recueillir l’autorisation de l’Assemblée des Copropriétaires avant toute modification impactant les espaces verts dits « communs ».

C’est ainsi que dans un arrêt rendu le 8 décembre 2020, la Cour d’appel de Montpellier a confirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance de NARBONNE en date du 26 juillet 2017 qui avait condamné chaque copropriétaire à restituer les parties communes illicitement annexées dans le délai d’un mois à compter de la décision à venir et, à défaut, passé ce délai sous astreinte de 50 € par jour de retard, pendant trois mois, faute pour ces copropriétaires de rapporter la preuve de l’existence d’une résolution votée en Assemblée Générale des Copropriétaires à la majorité de l’article 26 de la loi s’agissant de l’annexion de parties communes et de la modification de l’état descriptif de divisio, autorisation ladite annexion [CA MONTPELLIER 5e chambre civile, 8 décembre 2020, RG n° 17/01849]

2 –       Plus généralement, la loi du 10 juillet 1965 impose le recours au vote en Assemblée Générale s’agissant de l’entretien et de l’aménagement d’espaces verts dits « communs ».

Ainsi, un vote à la majorité absolue de l’article 25 de la loi est requis pour aménager un nouvel espace vert.

Une majorité simple de l’article 24 de la loi suffit s’agissant de l’entretien, dont les charges sont assumées par les copropriétaires au prorata de leurs tantièmes, s’agissant de charges communes générales.

II – Les espaces verts dits « spéciaux » ou « à jouissance exclusive » et « privatifs »

1 –       Aux côté des parties communes générales, on pouvait également identifier des parties communes à usage privatif ou à jouissance exclusive, découlant de l’attribution à un seul copropriétaire d’un droit de jouissance exclusif.

L’espace vert, partie commune à jouissance exclusive, est ainsi réservé à l’usage exclusif d’un seul copropriétaire.

# Les différents travaux d’entretien doivent alors naturellement être effectués par ce dernier, et l’aménagement et l’entretien de cet espace vert relèvent de sa responsabilité.

Le syndicat des copropriétaires conserve un pouvoir d’intervention à l’encontre du copropriétaire bénéficiant d’un droit de jouissance exclusif, et pourra se faire autoriser judiciairement à pénétrer sur le terrain afin d’élaguer le ou les arbres litigieux, mais uniquement si ces arbres provoquent des nuisances chez les copropriétaires voisins par exemple en limitant les vues, la luminosité et l’ensoleillement (CA Versailles, 17 déc. 2009, n° 08/07144 : JurisData n° 2009-023511 ; Loyers et copr. 2010, comm. 299).

# En revanche, la réalisation de certains travaux plus importants comme travaux d’étanchéité d’un toit-terrasse végétalisé nécessite l’autorisation des copropriétaires en assemblée générale, soit à la majorité absolue de l’article 25, soit à la double majorité de l’article 26.

Le Tribunal de Grande Instance de Narbonne avait annulé le 19 avril 2018 une autorisation accordée à la majorité de l’article 25 de la loi précitée, en ces termes :

« La jurisprudence et la doctrine considèrent que le copropriétaire peut utiliser son droit de jouissance exclusive en procédant à de menus aménagements et embellissements, mais sans altérer la consistance des lieux. Pour cette raison, il n’est pas fondé à entreprendre des travaux de construction sur ses parties communes sans autorisation expresse de l’assemblée générale, non pas à la seule majorité de l’article 25, mais à la double majorité de l’article 26, la jurisprudence excluant seulement cette exigence s’il s’agit de constructions légères et démontables. »

# Là encore, le copropriétaire qui a la jouissance exclusive d’une partie commune ne peut causer de trouble de jouissance aux autres copropriétaires, ni ne porter atteinte au caractère de la partie commune.

Le 23 janvier 2020 (n°18-24.676), la Cour de Cassation, saisie par un syndicat des copropriétaires, a censuré un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE le 17 septembre 2018, qui avait estimé que la parcelle litigieuse est « une partie commune dont [les X] peuvent jouir dans les conditions prévues pour les parties privatives », ce qui « exclut » qu’ils aient à demander le feu vert pour y effectuer des travaux.

La Cour de Cassation rappelle que « l’attribution d’un droit d’usage privé sur un espace commun ne modifie pas le caractère de l’espace commun » et que par conséquent, « le copropriétaire qui veut effectuer des travaux (…) doit demander l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires ».

# Depuis la loi ELAN, une nouvelle catégorie de parties communes a été instituée : les parties communes « spéciales ».

Il s’agit de parties communes ne concernant que certaines copropriétaires et non tous les copropriétaires : ceux sont des parties communes mais à usage privatif.

Pour cette catégorie spéciale, il incombe donc aux seuls copropriétaires ayant accès à l’espace vert concerné d’en assumer toutes les charges afférentes (entretien, travaux, etc…) au prorata de leurs tantièmes.

  1. Pour les espaces verts exclusivement privatifs, l’article 2 loi du 10 juillet 1965 en fait la propriété exclusive des copropriétaires.

L’entretien et l’aménagement sont donc à leurs charges exclusives.

Cependant, la réalisation de travaux plus importants nécessite l’autorisation de l’Assemblée Générale au regard notamment de l’harmonie esthétique de l’immeuble, de l’atteinte aux parties communes, laquelle peut très bien s’y opposer.

# De plus, il faut rappeler que l’espace vert privatif se voit soumis aux mêmes exigences qu’un logement.

De ce fait, le copropriétaire doit veiller à ne pas provoquer de troubles du voisinage dans l’usage qu’il fait de son espace vert privatif.

Une Cour d’Appel a ainsi reconnu la responsabilité d’un copropriétaire qui avait laissé pousser les arbres de son jardin jusqu’à une hauteur excessive, ce qui obstruait la vue de son voisin du premier étage (Cour d’appel de Lyon du 13 juin 2001, n° 2000/00083).

Dans des conditions identiques, le copropriétaire qui a laissé les plantes de son jardin privatif, prendre des proportions telles qu’elles génèrent une gêne pour les voisins et l’ensemble de la copropriété, pourra se voir condamner sous astreinte à procéder à l’élagage et l’entretien. (CA Aix-en-Provence, ch. C, 2 avril 2015, n° 14/00820 : JurisData n° 2015-011564).

Dans son arrêt du 8 mars 2018 (3e ch. civ., n° 17-10315) la Cour de Cassation a confirmé que stocker des encombrants en divers endroits dans un jardin et de façon visible constitue « un trouble de voisinage qu’il convenait de réparer ».

III – Les espaces verts en copropriété face aux enjeux environnementaux :

1 –       Dès 2014, la loi ALUR avait soumis les syndics de copropriété à de nouvelles obligations s’agissant de la gestion des espaces verts, dans un but de préservation de l’environnement.

La loi ALUR oblige ainsi LES syndics de prendre en compte la gestion des espaces verts dans leur mission devant veiller à ce que ces espaces soient entretenus régulièrement dans le respect de certaines normes environnementales.

Une obligation plus contraignante a émergé en 2020, imposant aux syndics l’élaboration un Plan d’Entretien et de Valorisation (PEV) pour chaque espace vert : ce plan doit définir les actions d’entretien à réaliser et dresser le budget nécessaire.

Il est intéressant de noter que dans cette démarche, les PEV incitent notamment, chaque fois que c’est nécessaire, le paillage, le compostage et la mise en déchèterie.

Le plan a également pour objectif de prévoir des actions cherchant la valorisation de ces espaces, tels que des aménagements paysagers ou l’installation d’équipements ludiques et sportifs notamment.

2 –       La recherche d’une bonne gestion de ces espaces verts s’est donc intensifiée ces dernières années dans un but de préservation de la biodiversité et de protection de l’environnement, et les syndics ont vu leurs obligations renforcées en la matière.

Il semble donc très vraisemblable que les différentes réglementations applicables aux espaces verts, issues des lois Grenelle (2009 et 2010), Labbé (2014), de la loi de transition énergétique pour une croissance verte (LTECV de 2015) et de la loi biodiversité (2016) se voient étendues dans une certaine mesure aux copropriétés dans le futur.

En effet, il n’est pas exclu que les débats relatifs à l’interdiction des pesticides, l’utilisation d’eau non potable ou encore la réduction des opérations de désherbage émanant de ces lois ne concernent de manière croissante à l’avenir les espaces verts en copropriétés, lesquels ne sauraient faire exception aux préoccupations environnementales contemporaines.

Marie-Anne BRUN PEYRICAL

Avocat Sénior

CategoryImmobilier
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