IMMOBILIER – LA GARANTIE DE PARFAIT ACHEVEMENT : RETENUE DE GARANTIE OU EXPERTISE JUDICIAIRE ?
La question à ne plus se poser pour plus de sécurité !
- Lorsque des particuliers font appel à un constructeur dans le cadre d’un CCMI (contrat de construction de maison individuelle), la réception de l’ouvrage est un acte d’une importante capitale.
En effet, toutes les réserves apparentes (non-façons, malfaçons, défauts de conformité ou vices de construction) sont listées par le Maître de l’ouvrage dans le procès-verbal de réception, lequel vaut point de départ de toutes les garanties dont est redevable le constructeur : garantie de parfait achèvement (1 an), garantie de bon fonctionnement (2 ans) et garantie décennale (10 ans).
- La garantie de parfait achèvement, garantie d’ordre public, permet au Maître de l’ouvrage d’obtenir la reprise des réserves, listées lors de la réception de l’ouvrage et dénoncées dans l’année suivant ladite réception.
Ainsi, l’article 1792-6 du Code Civil dispose : « la garantie de parfait achèvement à laquelle l’entrepreneur est tenu pendant un délai d’un an à compter de la réception, s’étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Les délais nécessaires à l’exécution des travaux de réparation sont fixés d’un commun accord par le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur concerné.
En l’absence d’un tel accord ou en cas d’inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l’entrepreneur défaillant.
L’exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d’un commun accord ou à défaut, judiciairement.»
Il convient de préciser que cette notification doit avoir lieu dans le mois qui suit la réception pour les réserves non visibles au jour de la réception mais aussi tout au long de l’année qui suit la signature du procès-verbal de réception.
- La première étape indispensable est d’adresser une lettre de mise en demeure au constructeur d’avoir à lever les réserves qui ont été notées dans le procès-verbal de réception, en mentionnant un délai d’exécution (par exemple 2 mois).
Egalement, il convient de faire dresser un procès-verbal de constat par voie d’huissier dans le mois qui suit la réception de l’ouvrage, si l’huissier n’a pas été mandaté au jour de la rédaction du procès-verbal de réception.
- La retenue de garantie de 5%
# L’article R231-7 de code de la construction et de l’habitation prévoit que « dans le cas où des réserves sont formulées, une somme au plus égale à 5 % du prix convenu est, jusqu’à la levée des réserves, consignée entre les mains d’un consignataire accepté par les deux parties ou, à défaut, désigné par le président du tribunal judiciaire. »
Egalement, l’article 1 de la loi du 16 juillet 1971(n°71-584) instituant la retenue de garantie dispose que « les paiements des acomptes sur la valeur définitive des marchés de travaux privés visés à l’article 1779-3° du code civil peuvent être amputés d’une retenue égale au plus de 5 p. 100 de leur montant et garantissant contractuellement l’exécution des travaux, pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites à la réception par le maître de l’ouvrage ».
# Cette retenue dite de garantie a pour objectif de garantir l’exécution du contrat et de couvrir les éventuels griefs qui surviendraient consécutivement à la réception de l’ouvrage : il s’agit d’une sûreté que le Maître de l’ouvrage constitue vis-à-vis du maître d’œuvre qui exécute les travaux (ou du constructeur).
La retenue de garantie de 5% du coût total de la construction (ou des travaux) est mise en œuvre par le biais de la consignation, entre les mains d’un tiers (la plupart du temps, la Caisse des Dépôts et Consignation), tiers désigné par les parties ou à défaut par le Président du Tribunal Judiciaire.
En conséquence, le maître de l’ouvrage ne peut conserver cette somme entre ses mains. A défaut, le constructeur pourrait tout à fait exiger le paiement de cette somme alors même qu’il n’aurait pas satisfait à ses exigences contractuelles (Cass. Civ. 3ème 18 décembre 2013).
# L’article 2 de la loi du 16 juillet 1971 prévoit que les sommes retenues sont restituées à l’entrepreneur dans un délai d’un an qui suit la réception.
Autrement dit, un an après la réception des travaux, le Maître de l’ouvrage ne peut continuer de retenir les sommes.
C’est ainsi que certains constructeurs attendent l’expiration du délai d’un an de la garantie de parfait achèvement pour solliciter judiciairement le paiement des 5% de garantie, sans pour autant avoir procédé à la levée de toutes les réserves.
Du côté du Maître de l’ouvrage, ce dernier ne dispose d’aucune expertise judiciaire de nature à confirmer le nombre des réserves non levées, l’imputabilité au constructeur et surtout le coût des travaux de nature à lever les réserves, permettant ainsi de justifier de la retenue de garantie des 5%.
# Bon nombre de particuliers se sont ainsi retrouvés assignés en condamnation au paiement des 5% de retenue de garantie par le constructeur, sans pouvoir faire valoir sa responsabilité au titre de la garantie de parfait achèvement, cette dernière étant prescrite au jour de la demande judiciaire en paiement de la retenue de garantie, faute d’avoir engagé une action judiciaire à l’encontre du constructeur, dans le délai d’un an à compter de la date de réception de l’ouvrage (ou des travaux).
- Le délai de forclusion d’un an pour la garantie de parfait achèvement à interrompre impérativement par une procédure judiciaire :
# Passé le délai d’une année à compter de la date mentionnée sur le procès-verbal de réception, l’action au titre de la garantie de parfait achèvement à l’encontre du constructeur sera considérée comme forclose, ce qui signifie que le maître de l’ouvrage ne pourra plus agir contre le constructeur sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, seule garantie applicable en matière de réserves devant être levées par le constructeur.
Il faut donc assigner le constructeur devant le Tribunal Judiciaire du lieu de situation de l’ouvrage sur le fondement de l’article 1792-6 du Code Civil, avant l’expiration du délai d’un an et après l’envoi d’une mise en demeure restée infructueuse (Cass. Civ. 3ème 15 avril 2021, n° 19-25.748).
En effet, seule une action judicaire permet d’interrompre le délai de prescription d’un an de la garantie de parfait achèvement.
Dans le cas d’une assignation en référé-expertise, la délivrance de l’assignation interrompt le délai d’un an qui recommence à courir à compter de la date à laquelle l’ordonnance désignant l’expert judiciaire sera rendue.
# Pour éviter toute forclusion attachée à la garantie de parfait achèvement et pour plus de sécurité, le Cabinet BKP propose constamment à ses clients d’engager simultanément deux actions judiciaires avant l’expiration du délai de la garantie de parfait achèvement :
– une action en référé-expertise : ce qui permet d’obtenir très rapidement la désignation d’un expert judiciaire ;
– une action au fond : ce qui permet d’interrompre le délai de forclusion en sollicitant le sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire.
Ainsi, il n’y a plus lieu de craindre la forclusion de la garantie de parfait achèvement, tant à l’expiration du délai d’un à compter de la date de réception de l’ouvrage, que durant l’expertise judiciaire qui permettra ainsi au Maître de l’ouvrage d’obtenir tous les éléments techniques de nature d’une part à justifier de la retenue de garantie de 5% (et éviter une condamnation à des dommages et intérêts en cas d’opposition abusive à la restitution de la retenue de garantie) et d’autre part, d’obtenir la condamnation du constructeur au paiement d’une somme correspondant aux travaux à faire réaliser par une autre entreprise afin de lever les réserves.
Marie-Anne BRUN PEYRICAL
Avocat senior – Pôle Immobilier
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