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ASSURANCES : TROTTINETTES ET AUTRES NOUVEAUX MODES DE DEPLACEMENT : EXTENSION DU CHAMP DE LA LOI BADINTER

 

 

 

Dans son édition du 24 février 2022, le Journal du Dimanche publiait une estimation au terme de laquelle, pour les seules villes de Paris, Marseille et Lyon, pas moins de 6.000 personnes auraient été blessées et 22 personnes seraient décédées à raison de l’emploi des « nouveaux modes de déplacement » représentés essentiellement par les trottinettes et autres « gyropodes » en 2021.

La qualification même de ces modes de déplacement apparaît ainsi essentielle tant elle influe sur les règles d’indemnisation.

  1. Historiquement, une application disparate de dispositions existantes

Si, historiquement l’application de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, usuellement appelée « loi Badinter » du nom du Garde des Sceaux ayant permis son adoption, ne posait pas de difficulté, il est apparu que l’apparition récente de nouveaux modes de déplacement ont engendré une confusion certaine.

Initialement qualifiés de NVEI (Nouveaux Véhicules Electriques Individuels) il convient désormais de les dénommer « EDPM » (Engins de Déplacement personnels).

Ceux-ci existent de fait depuis plus de vingt ans mais c’est en définitive leur déploiement ces cinq dernières années dans les principales agglomérations françaises, au moyen du « free floating », qui a rendu nécessaire une clarification du droit.

Antérieurement, la jurisprudence hésitait entre les mécanismes usuels de la responsabilité civile délictuelle (pour faute ou au titre des choses que l’on a sous sa garde, en ce sens arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 23 février 2010) ou retenait au contraire l’application des dispositions de la loi Badinter (en ce sens, arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 23 novembre 2017).

Au-delà de l’insécurité juridique résultant de lectures divergentes des dispositions applicables, un second enjeu apparaissait intéressant, lui, l’efficience de l’indemnisation des victimes puisque, à défaut de garantie mobilisable, il était de fait vain d’aspirer à une prise en charge intégrale des séquelles déplorées.

  1. Depuis 2019, ces moyens de déplacement sont soumis à assurance obligatoire

C’est ainsi à bon escient que le Gouvernement puis le Législateur ont successivement adopté le décret 2019-1082 du 23 octobre 2019 et la Loi d’orientation des mobilités (loi 2019-1428 du 24 décembre 2019) qui permettent d’établir un état des lieux lisible du droit applicable.

  1. Sur l’essentiel des trottinettes et autres moyens de déplacements personnels à propulsion électrique

En substance, ces EDPM sont désormais définis par l’article R.311-1 6.15 du Code de la route et, à la condition que leur vitesse soit supérieure à 6 Km/h et inférieure à 25 Km/h, considérés comme des véhicules terrestres à moteurs.

A ce titre leur propriétaire, de même que les sociétés les mettant à disposition en location de courte durée, doivent nécessairement être couverts par une assurance garantissant leur responsabilité civile.

A toutes fins, et considérant les difficultés régulières de cohabitation entre les différents modes de transport, il n’est sans doute pas vain de rappeler qu’en agglomération ces EDPM ont vocation à être utilisés prioritairement sur des pistes cyclables et, à défaut, sur la chaussée à la condition que la vitesse maximale autorisée soit de 50 Km/h.

  1. Sur les trottinettes et autres moyens de déplacements personnels nécessitant une impulsion physique pour pouvoir évoluer

S’agissant des trottinettes certes pourvues d’un moteur mais nécessitant néanmoins des impulsions régulières pour pouvoir évoluer, l’assurance couvrant la responsabilité civile du conducteur est également obligatoire mais bon nombre de compagnies intègrent désormais, notamment dans les contrats de type multirisque habitation, une garantie susceptible d’être mobilisée.

  1. Sur les trottinettes dites « rapides »

Sont considérées comme des trottinettes rapides celles dont la vitesse dépasse la vitesse de 25 Km/h. Il en est de même s’agissant des « Segways » et autres gyropodes qui sévissent sur la chaussée.

Ces dispositifs sont assimilés par le Code de la route aux cyclomoteurs et doivent par conséquent être non-seulement homologués mais également être immatriculés et évidemment assurés.

Le conducteur, qui devra justifier du permis AM (anciennement dénommé le BSR), devra par ailleurs porter un casque.

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L’ensemble de ces équipements sont ainsi désormais considérés comme des véhicules terrestres à moteur et l’application de la seule Loi Badinter a vocation à être retenue.

Pour favorable que soit cette qualification, notamment s’agissant de la prise en charge des victimes à raison de la seule notion d’implication, il n’en demeure pas moins qu’elle pose dès à présent des difficultés s’agissant d’autres modes de déplacement qui sont de plus en plus prisés.

  1. Sur une vraisemblable extension de la notion de véhicule terrestre à moteur

Tel qu’exposé précédemment, il est désormais acquis qu’une trottinette à assistance électrique, nécessitant pour se mouvoir une intervention physique régulière du conducteur, est assimilée à un véhicule terrestre à moteur.

A ce titre non seulement les dispositions de la Loi Badinter ont vocation à s’appliquer mais le conducteur doit être valablement assuré afin que sa responsabilité civile soit couverte.

Pour autant, il apparaît que le droit positif demeure distinct pour les conducteurs de vélos à assistance électrique dont le moteur a une puissance ne dépassant pas 250 Watts.

Ces derniers demeurent considérés comme des cyclistes et ne sont pas soumis à une quelconque obligation assurantielle.

Cette dualité interroge au regard des similitudes évidentes entre une trottinette à assistance électrique et un vélo également à assistance électrique.

A raison de la multiplication des accidents impliquant des « conducteurs » de vélos à assistance électrique, il est vraisemblable que soit prochainement envisagée une évolution de la qualification de ces dispositifs et, partant, une extension nouvelle de la loi Badinter.

Eric MARÉCHAL

Avocat Of Counsel   //   BKP & Associés Avocats

CategoryAssurance
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