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COMMERCIAL – LES FACTEURS LOCAUX DE COMMERCIALITE

1 – Le bail commercial est une convention, soumise aux articles L.145-1 et R.145-1 et suivants du Code de commerce, par laquelle le bailleur (qui est en général le propriétaire) met tout ou partie d’un immeuble à la disposition d’un tiers appelé locataire (ou preneur) pour une durée d’au moins neuf ans, moyennant un certain prix et selon certaines conditions, afin que ce dernier puisse y exercer une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.

2 – Le loyer initial est librement fixé par les parties mais, compte tenu de la durée du bail, il a rarement vocation à rester le même tout au long du contrat.

En effet, le loyer peut être amené à varier soit au cours du contrat par le jeu d’une clause d’indexation (souvent annuelle) ou par le mécanisme de la révision triennale légale prévue à l’article L. 145-38 du Code de commerce soit au moment du renouvellement du contrat.

3 – Le législateur a toutefois voulu éviter que ces augmentations soient trop abruptes pour les locataires. C’est pourquoi, il a été prévu deux dispositions visant à plafonner ces éventuelles hausses de loyer.

La première disposition concerne la révision triennale légale (laquelle, on le rappelle, permet de faire évoluer le loyer tous les trois ans, même en l’absence de toute stipulation en ce sens dans le contrat, s’agissant d’une disposition d’ordre public).

L’article L. 145-38 du Code de commerce prévoit en effet que «  la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 112-2 du code monétaire et financier, intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer. »

Autrement dit, la hausse de la révision du loyer prévue à l’article L. 145-38 du Code de commerce est limitée puisqu’elle ne peut, normalement, excéder la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux (pour les activités commerciales ou artisanales) ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires (pour les autres activités) intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire.

On parle ainsi de « plafonnement » de la révision du loyer.

La deuxième disposition concerne le renouvellement du contrat,

L’article L. 145-34 du Code de commerce prévoit en effet également qu’en principe, « le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques. »

On parle alors de « plafonnement » du loyer renouvelé.

4 – Toutefois, le plafonnement de cette hausse de loyer peut être écarté, tant au moment de la révision triennale légale qu’au moment du renouvellement du contrat, s’il est justifié de modification de « facteurs locaux de commercialité ».

Dans cette hypothèse, le loyer sera alors fixé à la valeur locative, ce qui peut conduire, le cas échéant, à une hausse importante du loyer.

C’est dire que cette notion peut avoir un impact financier important durant la vie du bail.

C’est pourquoi, il apparait judicieux de faire un point sur la notion de facteurs locaux de commercialité et ses impacts sur la fixation du loyer au cours du bail.

I – La notion de modification des facteurs locaux de commercialité

Le Code de commerce nous donne quelques indications sur ce qu’il faut entendre par « facteurs locaux de commercialité ». En effet, l’article R. 145-6 du Code de commerce définit les facteurs locaux de commercialité en fonction :

  •  de l’importance de la ville, du quartier, ou de la rue où est situé le local ;
  •  du lieu de son implantation ;
  •  de la répartition des diverses activités dans le voisinage ;
  •  des moyens de transport ;
  •    de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée.

Autrement dit, la modification des facteurs locaux de commercialité peut être définie comme des changements intervenant au sein de la zone de chalandise du locataire.

La jurisprudence donne des exemples variés de modification de facteurs locaux de commercialité tels que :

 

Les exemples de facteurs de locaux de commercialité sont donc variés.

Cette modification des facteurs locaux de commercialité doit intervenir par ailleurs dans le secteur commercial du locataire puisqu’il s’agit de facteurs « locaux ».

Il n’existe pas de définition précise du « secteur commercial » de sorte que l’analyse se fera au cas par cas, même s’il est souvent retenu par les tribunaux un rayon de 400 mètres pour l’Ile-de-France.

Une modification des facteurs locaux de commercialité éloignée du commerce du locataire sera donc inopérante.

 

II – La modification des facteurs locaux de commercialité doit présenter un intérêt pour le locataire

Que ce soit en matière de révision triennale légale ou de renouvellement du bail, il ne suffit pas, pour la partie intéressée, de justifier de l’existence d’une modification des facteurs locaux de commercialité pour pouvoir prétendre écarter la règle du plafonnement du loyer et faire fixer le loyer à la valeur locative.

La partie intéressée devra, en effet, également prouver que cette modification présente un intérêt pour l’activité exercée par le locataire, l’évolution des facteurs locaux de commercialité devant lui être favorable.

L’appréciation se fera donc, au cas par cas, en fonction de chaque commerce et en fonction de l’activité qui y est réellement exercée.

Il a été jugé, par exemple, que :

  • la rénovation d’un quartier ou des constructions nouvelles ne présentaient pas d’intérêt pour un commerce d’import-export (CA Paris, 8 oct. 1991 : D.  1991, IR p.  290),
  • l’installation d’une école de mode et de design ne présentait pas d’intérêt pour une activité de café-brasserie, dès lors que les étudiants bénéficiaient d’une cafétéria au sein de l’école (CA Paris, 7 déc. 2011, n° 10/21154JurisData n° 2011-027941),

A l’inverse, il a été jugé que présentaient un intérêt pour le commerce du locataire :

  • la hausse de la population active pour un commerce de bijouterie-joaillerie, (Cass. 3e civ., 5 janv. 2010, n° 09-11.313 : JurisData n° 2010-051383),
  • la création d’un réaménagement piétonnier ou semi-piétonnier, la rénovation de la place du marché et la création de 400 places de parking pour un commerce de prêt-à-porter, (Cass. 3e civ., 10 janv. 2006, n° 04-20.443 : JurisData n° 2006-031611).

Il s’agit par conséquent d’une analyse au cas par cas, une modification des facteurs locaux de commercialité pouvant avoir une incidence pour un commerce mais être totalement indifférente pour un autre commerce.

Il est par ailleurs important de préciser que « l’intérêt de la modification des facteurs locaux de commercialité » s’analyse objectivement. Autrement dit, il n’y a pas lieu de vérifier que le chiffre d’affaires du locataire a effectivement augmenté en raison de cette modification.

L’augmentation ou la diminution du chiffre d’affaires du locataire sera donc normalement sans incidence.

Il n’en reste pas moins que s’il est démontré que le chiffre d’affaires du preneur a augmenté à la suite de la modification des facteurs locaux de commercialité, cela sera un indice confortant le fait que ladite modification a eu un intérêt favorable sur le commerce du locataire.

III – La modification des facteurs locaux de commercialité et son impact sur le montant du loyer

Si la modification des facteurs locaux de commercialité doit présenter un intérêt pour le commerce du locataire pour pouvoir écarter la règle du plafonnement du loyer et faire fixer le loyer à la valeur locative, le législateur a prévu d’autres conditions qui diffèrent selon qu’il s’agit de la fixation du loyer au moment du renouvellement du bail ou de la fixation du loyer au moment d’une révision triennale légale.

En effet :

A – Au moment du renouvellement du bail

En pratique, au moment du renouvellement du bail, c’est le bailleur, qui souhaitera pouvoir augmenter le loyer sans se voir opposer la règle du plafonnement, qui aura souvent intérêt à invoquer l’existence de modifications des facteurs locaux de commercialité.

Ce faisant, le bailleur pourrait ainsi faire fixer le loyer à la valeur locative (ce qui suppose que cette dernière soit supérieure au loyer qui découlerait de la seule règle du plafonnement), étant rappelé toutefois que l’augmentation de loyers sera étalée le cas échéant, puisque la loi dispose que la variation de loyer qui découle du déplafonnement du loyer, ne peut pas conduire à des augmentations supérieures pour une année à 10% du loyer acquitté au cours de l’année précédente, et ce, jusqu’à ce que la valeur locative soit atteinte.

De son côté, le preneur n’a normalement pas besoin de recourir à la notion de modification des facteurs locaux de commercialité puisque si la valeur locative est à la baisse, et sauf stipulations contraires du contrat, il pourra toujours demander à ce que le loyer soit fixé à cette valeur locative sans avoir à justifier d’un motif de déplafonnement.

Outre les conditions visées précédemment, s’agissant de la fixation du loyer renouvelé, l’article L. 145-34 du Code de commerce précise que la modification des facteurs locaux de commercialité doit être notable et donc suffisamment importante pour le commerce du locataire.

La modification doit par ailleurs intervenir au cours du bail expiré.

Les magistrats disposent d’une appréciation souveraine pour déterminer s’il y a bien eu une modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant un intérêt pour le commerce du locataire.

Généralement, une expertise judiciaire s’avérera souvent nécessaire, cette question nécessitant une appréciation économique du dossier qui échappe normalement à la compétence des magistrats.

 

B – Au moment du la révision triennale légale

 

En pratique, tant le bailleur que le preneur pourraient avoir intérêt à se prévaloir de la modification des facteurs locaux de commercialité au moment de la révision triennale légale.

En effet, si la valeur locative est supérieure au loyer découlant de la seule révision indiciaire, c’est le bailleur qui aura intérêt à faire fixer le loyer à la valeur locative, à charge pour lui de se prévaloir de l’existence d’une modification des facteurs locaux de commercialité.

De son côté, si la valeur locative est inférieure au loyer découlant de la seule révision indiciaire, c’est le preneur qui aura intérêt à faire fixer le loyer à la valeur locative. Il pourra normalement toujours le faire mais, en revanche, dans cette hypothèse, le loyer ainsi fixé ne pourra jamais être inférieur au loyer contractuel d’origine, sauf si le preneur justifie d’une modification des facteurs locaux de commercialité.

Autrement dit, du côté du Preneur, la preuve d’une modification des facteurs locaux de commercialité lui permet de faire fixer le loyer à la valeur locative, et ce, même si celle-ci est fixée en-dessous du loyer contractuel (ce qu’il ne pourrait faire autrement).

Néanmoins, en matière de révision triennale légale, obtenir une fixation du loyer à la valeur locative en raison des facteurs locaux de commercialité est beaucoup plus complexe.

En effet, outre les conditions visées précédemment, l’article L. 145-38 du Code de commerce impose qu’il soit justifié d’une modification matérielle entrainant « par elle-même » une variation de la valeur locative en hausse ou en baisse de plus de 10 %.

Tout d’abord, la notion de « matérialité » de la modification pose quelques difficultés.

Certains auteurs considèrent que cette notion serait synonyme avec la notion de modification « notable » applicable en matière de renouvellement.

La Cour d’appel de Paris a déjà pu juger, dans un arrêt rendu le 11 avril 2005, que le caractère matériel de la modification des facteurs locaux de commercialité impliquait une « transformation concrète » et non une « simple évolution naturelle d’un élément de commercialité » (n°04/04058).

Il faut donc justifier d’une modification portant sur des éléments concrets et tangibles de la commercialité. Ne peuvent donc être pris en considération de simples projets d’aménagement susceptibles d’influer dans le futur sur les facteurs locaux de commercialité.

Le texte précise également que la modification matérielle doit avoir entraîné « par elle-même » une variation de la valeur locative en hausse ou en baisse de plus de 10 %, le taux devant être dépassé et non pas seulement atteint pour que la condition exigée par le texte soit réalisée.

La précision « par elle-même » conduit à exclure tout autres facteurs, comme par exemple, les effets de la conjoncture, lesquelles ne doivent pas être pris en compte.

Comme en matière de renouvellement, les magistrats disposent d’une appréciation souveraine pour déterminer s’il y a bien eu une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant un intérêt pour le commerce du locataire, laquelle aurait entraîné par elle-même une variation de la valeur locative en hausse ou en baisse de plus de 10 %.

Généralement, une expertise judiciaire s’avérera là encore souvent nécessaire.

En conclusion, la modification des facteurs locaux de commercialité est l’un des moyens, sous certaines conditions, de réajuster le loyer à la valeur locative réelle.

Il s’agit donc d’une notion clé tant pour le bailleur que pour le locataire selon que la valeur locative sera supérieure ou inférieure au loyer en cours.

Il s’agit néanmoins d’une donnée complexe à établir, impliquant d’appréhender le contexte économique du secteur dans lequel se situe le local, raison pour laquelle un expert spécialisé en la matière devra souvent être désigné pour éclairer les parties à ce sujet.

Eric BENJAMIN

Avocat associé – Pôle Immobilier

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