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DROIT COMMERCIAL – BAILLEURS ET PRENEURS : LA NEGOCIATION EST DE MISE, LES LOYERS N’ETANT NULLEMENT SUSPENDUS

 

 

Il est nécessaire d’analyser toutes les thèses en présence :

1/ – La notion de force majeure ne saurait trouver application.

La note de Georges TEBOUL parue dans le Dalloz Actualité Edition du 20 octobre 2020 rappelle que :

– La force majeure ne s’applique pas en principe pour les obligations de payer une somme d’argent, selon une Jurisprudence constante ;

– Le preneur ne peut invoquer la force majeure même s’il ne peut jouir des locaux loués en raison de la crise sanitaire, notamment du fait du confinement. En effet le bailleur exécute son obligation de délivrance en laissant le preneur accéder à ses locaux et il n’est évidemment pas responsable de la crise de la Covid si le preneur ne peut y accéder de ce fait (Cass. Com. 16 septembre 2014, n° 13-20.306).

Il apparaît à l’ensemble de la Doctrine que, sauf pour des cas limités du type panne informatique, voire exceptionnels, la force majeure n’est pas adaptée à l’hypothèse de la crise de la Covid 19. L’on se réfèrera notamment à l’article de J.-P. BLATTER « le bail, le Covid 19 et le schizophrène », AJDI 2020. 245.

2/ – D’autres ont pensé invoquer l’article 1722 du Code civil sur le bail commercial visant la destruction totale ou partielle de la chose louée. En effet, la Cour de Cassation a assimilé l’impossibilité d’user des locaux en raison d’un cas fortuit à une perte de la chose au sens de cet article, mais il apparait qu’en définitive ces dispositions ne peuvent être applicables car l’empêchement de jouissance doit être définitif (Cass. Civ. 3ème 8 mars 2018, n° 17-11.439, Dalloz Actualité, 28 mars 2018).

Il est rappelé que si des mesures spécifiques ont été prises par la loi du 23 mars 2020 au titre de la crise du Coronavirus pour les preneurs de locaux à usage professionnel, que les très petites entreprises peuvent bénéficier des dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020 sur le paiement des loyers, factures d’eau, gaz et électricité prévoyant un report des loyers de locaux à usage professionnel, cependant l’exigibilité des loyers n’a pas été suspendue par l’ordonnance du 25 mars 2020 (voir TJ PARIS, 18ème Chambre 2ème Section, 10 juillet 2020, n° 20/04516).

Malgré les dispositions de la loi d’habilitation, le paiement des loyers n’a donc jamais été neutralisé.

La demande de paiement des loyers reste recevable même si celle de ces accessoires a été neutralisée.

3/ – L’on prendra également connaissance avec attention de l’étude rédigée par Sébastien REGNAULT « L’après confinement et le bail commercial : le temps de l’incertitude », Semaine Juridique 25 juin 2020. Cette étude sur l’après confinement et le bail commercial porte sur les fondements qui pourraient être invoqués par l’ensemble des preneurs afin de tenter d’obtenir le réaménagement du bail et de leurs loyers, voire la suspension du loyer.

Il est rappelé que depuis la crise sanitaire, tout un chacun a toujours appelé à la prudence dont il fallait faire preuve concernant l’hypothèse de la suspension du loyer et celle de l’effacement du loyer pendant la période du confinement, notion impossible à mettre en place.

Tous les fondements communs à l’ensemble des preneurs sont successivement rejetés :

  • Premier fondement : l’imprévision

Celui-ci n’a aucune chance de jouer car l’article 1195 du Code civil ne concerne tout d’abord pas l’ensemble des contrats mais uniquement ceux conclus à partir du 1er octobre 2016, ce qui ne concerne pas le cas d’espèce.

En outre, un doute existe concernant l’application de l’article 1195 aux baux commerciaux. La Cour d’Appel de VERSAILLES a récemment jugé (CA VERSAILLES 12ème Chambre 12 décembre 2019, n° 18/07183) que dès lors que le statut des baux commerciaux prévoit de nombreuses dispositions spéciales relatives à la révision du contrat de bail, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions générales de l’article 1195 du Code civil, ces dernières devant être écartées au profit des règles spéciales du statut des baux commerciaux.

Par ailleurs, les dispositions de l’article 1195 ne sont pas applicables puisque l’exécution du bail n’est pas excessivement onéreuse au sens du texte, sauf dépôt de bilan.

Enfin, ce texte paraît inadapté à une situation temporaire requérant une réaction rapide.

  • Deuxième fondement : la bonne foi

Si le preneur peut tenter qu’il s’agisse du confinement ou de la période post-confinement, de solliciter auprès de son bailleur une renégociation des conditions du bail et bénéficier d’un aménagement provisoire de celles-ci, aucun texte du statut des baux commerciaux ne lui offrira cependant une telle opportunité.

Une partie de la Doctrine estime que, même en cas de changement de circonstances de nature à bouleverser l’équilibre du contrat au détriment d’une partie, le principe de bonne foi n’oblige pas l’autre partie à renégocier et d’ajouter qu’il serait illogique et contradictoire que l’article 1104 du Code civil impose aux parties en cas de changement de circonstances imprévisibles une obligation de renégocier fondée sur la bonne foi alors que le régime légal de l’imprévision de l’article 1195 du Code civil n’impose pas directement dans ce cas, une telle obligation de renégocier.

Comme le relève le professeur MEKKI : « La bonne foi, depuis un arrêt rendu par la Chambre Commerciale le 10 juillet 2007, peut servir à sanctionner l’abus d’une prérogative contractuelle mais ne permet pas au Juge de porter atteinte à la substance même des droits et obligations, laquelle est entendue au sens très large puisque un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation le 19 juin 2019 a refusé au juge du fond la possibilité de sanctionner le refus par le contractant de renégocier un contrat qui à terme allait entraîner l’asphyxie des partenaires et sa ruine ».

Conclusion :

Cette obligation de renégocier de bonne foi constitue une nécessité incontournable sensible à la loi des parties.

Virginie KOERFER-BOULAN

Avocat Associé

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