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DROIT IMMOBILIER – L’HABILITATION DU SYNDIC A AGIR EN JUSTICE

 

Professionnel ou bénévole, toute copropriété doit obligatoirement être pourvue d’un syndic dont les missions, listées notamment aux articles 17 et 18 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, sont extrêmement larges, celui-ci étant notamment tenu :

  • d’exécuter les décisions prises par le syndicat des copropriétaires en assemblée générale,
  • d’administrer l’immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d’urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l’exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci,
  • d’assurer la gestion comptable et financière du syndicat, etc.,

Parmi ces nombreuses missions, l’article 18 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 prévoit expressément que le syndic représente le syndicat des copropriétaires dans tous les actes civils et le représente en justice tant en demande qu’en défense.

Le syndicat des copropriétaires disposant de la personnalité civile (article 14 de loi n°65-557 du 10 juillet 1965), il était, en effet, indispensable de déterminer l’organe habilité à le représenter juridiquement.

Le syndic n’étant toutefois qu’un simple mandataire du syndicat des copropriétaires, il apparaissait essentiel que les actions en justice intentées par le syndic au nom du syndicat des copropriétaires ne soient pas décidées discrétionnairement par le syndic et fassent l’objet d’une autorisation donnée par l’assemblée générale des copropriétaires.

Toutefois, dans certains cas, exiger une autorisation systématique de l’assemblée générale des copropriétaires pour toute action en justice exercée par le syndic pourrait conduire à un blocage préjudiciable au syndicat des copropriétaires ou, à tout le moins, à des lenteurs dans la bonne administration de la copropriété, les assemblées générales de copropriété n’ayant généralement lieu qu’une fois par an.

L’article 55 du décret no 67-223 du 17 mars 1967 est parvenu à concilier ces deux impératifs en prévoyant par principe, que le syndic devait obtenir une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires pour pouvoir agir en justice et en instituant des exceptions à ce principe dans certains cas particuliers.

L’application de l’article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 soulève encore des interrogations puisque la Cour de cassation a été récemment amenée à rappeler que le syndic pouvait, dans une instance dans laquelle il était défendeur, former une demande en garantie contre l’assureur de la copropriété, sans avoir obtenu une autorisation de l’assemblée générale, cassant à cette occasion l’arrêt de la Cour d’appel qui avait jugé, de manière erronée, que l’action du syndicat des copropriétaires était irrecevable (Cass. Civ 3ème, 27 février 2020, pourvoi n° 19-10887).

En outre, alors même que tout défendeur pouvait, jusqu’alors, se prévaloir du défaut d’habilitation du syndic à agir en justice pour faire juger l’action du syndicat des copropriétaires irrecevable, le décret n°2019-650 du 27 juin 2019 a limité cette possibilité aux seuls copropriétaires, atténuant ainsi largement les conséquences du défaut d’autorisation du syndic.

Cette actualité est l’occasion d’effectuer un petit rappel de la situation en la matière :

I – LE PRINCIPE : LE SYNDIC DOIT JUSTIFIER D’UNE AUTORISATION DONNEE PAR L’ASSEMBLEE GENERALE DES COPROPRIETAIRES POUR POUVOIR AGIR EN JUSTICE

  • La régularité de l’habilitation du syndic pour agir en justice

Pour que le syndic puisse agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires, celui-ci doit justifier avoir reçu une autorisation donnée en ce sens par l’assemblée générale des copropriétaires respectant les conditions ci-après :

Sur le vote de la résolution

Tout d’abord, conformément à l’article 11-8° du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, un projet de résolution visant à autoriser le syndic à introduire une demande en justice devra être notifié aux copropriétaires au plus tard en même temps que l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires.

Lors de l’assemblée générale, la résolution sera votée à la majorité ordinaire prévue à l’article 24 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, à savoir à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance.

En pratique, le syndic devra communiquer, dans le cadre de la procédure, le procès-verbal de l’assemblée générale dans lequel figure la résolution l’ayant habilité à agir en justice.

Sur les termes de la résolution votée

S’agissant de la résolution autorisant le syndic à agir en justice, la jurisprudence exige que celle-ci soit claire et précise.

Autrement dit, l’habilitation doit mentionner la nature de la procédure, l’objet de la demande et identifier les personnes à assigner.

La jurisprudence admet toutefois que l’identité des personnes à assigner ne soit pas expressément précisée, à la condition que celle-ci soit déterminable (Civ. 3ème, 23 janv. 2020, pourvoi n° 19-11.863).

En revanche, dès lors que l’action en justice vise à la réparation de désordres, l’habilitation du syndic doit énoncer de façon précise les désordres (Civ. 3ème, 15 nov. 2018 pourvoi n° 17-24789).

L’habilitation accordée au syndic par l’assemblée générale des copropriétaires pour engager une action en justice vaut habilitation pour tous les syndics successifs sans qu’il soit nécessaire que le syndicat des copropriétaires renouvelle son autorisation à chaque changement de syndic (Civ.3ème, 8 septembre 2010, pourvoi n° 07-21446).

  • Les sanctions en cas de défaut d’habilitation du syndic pour agir en justice

Selon une jurisprudence constante, le défaut d’habilitation du syndic pour agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires constitue un défaut de pouvoir sanctionné par une nullité de fond de l’acte qui ne profite qu’à celui qui l’invoque et non une fin de non-recevoir que le juge peut relever d’office (Cass. Civ. 3ème, 9 avril 2018, n° 07-13236).

Ce défaut d’habilitation du syndic a été fréquemment invoqué par les défendeurs à l’action du syndicat des copropriétaires.

Toutefois, depuis le décret n°2019-650 du 27 juin 2019 modifiant l’article 55 du décret no 67-223 du 17 mars 1967,seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir du défaut d’habilitation du syndic à agir en justice.

Cette restriction apportée par le décret n°2019-650 du 27 juin 2019 risque de réduire considérablement le contentieux tiré du défaut d’habilitation du syndic à agir en justice.

En effet, dans les contentieux opposant le syndicat des copropriétaires à des tiers, le défaut d’habilitation du syndic à agir en justice ne pourra plus être invoqué, sauf à imaginer qu’un copropriétaire intervienne volontairement à l’instance pour soulever ce défaut de pouvoir, ce qui nous apparait hautement improbable.

Ainsi, seuls les contentieux opposant le syndicat des copropriétaires à un copropriétaire pourront donner lieu à l’application de cet article.

  • La régularisation a posteriori de l’habilitation du syndic à agir en justice

Dans l’hypothèse où le syndic aurait intenté une action en justice dans l’intérêt du syndicat des copropriétaires sans autorisation, la Cour de Cassation juge, de manière constante, que l’assemblée générale des copropriétaires peut valablement, a posteriori, autoriser le syndic à agir, cette autorisation pouvant intervenir même en cause d’appel (cf. notamment, Cass. Civ. 3ème, 12 novembre 2003, pourvoi n˚ 02-16.845 ; Cass. Civ 3ème, 19 déc. 2006, n° 05-20.559).

Il faut toutefois que cette autorisation intervienne :

  • avant que le juge ne statue,
  • avant que l’action ne soit prescrite : l’habilitation du syndic à agir en justice est en effet jugée tardive lorsqu’elle a été donnée après l’expiration du délai de prescription de l’action, quand bien même l’assignation aurait été délivrée dans le délai (Cass. Civ 3ème, 21 octobre 2008, n˚ 07-18.205).

 

II – LES EXCEPTIONS : LES CAS DANS LESQUELS LE SYNDIC N’A PAS BESOIN D’AUTORISATION DE L’ASSEMBLEE GENERALE DES COPROPRIETAIRES POUR AGIR EN JUSTICE

Pour des motifs tenant notamment à l’urgence ou à la nécessité de préserver les intérêts financiers du syndicat des copropriétaires, l’article 55 alinéa 3 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 prévoit que le syndic peut agir, de sa propre initiative, au nom du syndicat des copropriétaires, sans habilitation donnée par l’assemblée générale des copropriétaires, dans les cas suivants :

  • Les actions en recouvrement de créance 

Cette dispense d’autorisation concerne essentiellement le recouvrement des charges de copropriété dues par les copropriétaires (Cass. Civ 3ème, 6 mai 1998, pourvoi n°96-17176).

En revanche, toute action visant à obtenir des dommages et intérêts en engageant la responsabilité d’un tiers nécessite une autorisation de l’assemblée générale.

Par exemple, une action du syndic en remboursement d’une facture de travaux nécessite une autorisation de l’assemblée générale (Cass. Civ 3ème, 2 oct. 2013, pourvoi n° 12-19.481).

Il est toutefois admis que dès lors que le syndic peut agir en recouvrement de charges, il peut, dans cette même procédure, former une demande accessoire visant à obtenir des dommages et intérêts sans avoir obtenu une habilitation à ce titre (Cass. Civ 3ème, 25 janv. 2012, pourvoi n° 10-19.180).

  • La mise en œuvre des voies d’exécution forcée

Sans habilitation de l’assemblée générale, le syndic peut procéder, au nom du syndicat, à la mise en œuvre des voies d’exécution forcée (saisie pratiquée à la suite d’une décision de justice, par exemple).

En revanche, ne sont pas considérées comme une mise en œuvre d’une voie d’exécution forcée pouvant être exercée par le syndic dépourvu d’une habilitation, les actions suivantes :

  • la saisie immobilière d’un lot en vue de sa vente, l’article 55 du décret excluant expressément cette action des cas de dispense d’autorisation ;
  • l’action en liquidation d’une astreinte ( Civ 3ème, 20 octobre 2016, pourvoi n° 15-23233).
  • Les mesures conservatoires

Compte tenu de leur objet, les mesures conservatoires peuvent être prises par le syndic sans autorisation de l’assemblée générale.

Il a par exemple été jugé que le syndic n’avait pas besoin d’une autorisation de l’assemblée générale pour déclarer une créance au passif de son débiteur en procédure collective, au motif qu’il s’agissait d’une mesure conservatoire (Cass. Civ 3ème, 29 janv. 2003, pourvoi n° 00-21.945).

  • Les demandes qui relèvent des pouvoirs du juge des référés

Le syndic peut agir de sa propre initiative pour exercer une action devant le juge des référés.

Il faut rappeler que le juge des référés ne peut être valablement saisi que dans l’un des cas suivants (i) en cas d’urgence (ii) si la demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse (iii) si la demande vise à prévenir un dommage imminent (iv) si la demande vise à faire cesser un trouble manifestement illicite.

  • Les actions visant à défendre aux actions intentées à l’encontre du syndicat des copropriétaires

Aucune autorisation n’est nécessaire lorsque le syndicat, assigné en justice par un tiers ou un copropriétaire, est en position de défendeur.

La Cour de Cassation applique cette exception de manière assez large, puisqu’elle considère que le syndic n’a pas besoin d’autorisation de l’assemblée générale :

  • pour former une demande reconventionnelle dans l’instance à laquelle le syndicat des copropriétaires est défendeur dès lors qu’elle est la suite et la conséquence nécessaire de la demande principale à laquelle elle se rattache par un lien suffisant (Cass. Civ.3ème, 22 novembre 2000, pourvoi n°99-10301),
  • pour appeler en garantie un tiers (assureur ou autre) dans l’instance à laquelle le syndicat des copropriétaires est défendeur : ce principe a été rappelé par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 27 février 2020 (pourvoi n°19-10.887), évoqué précédemment.

L’article 55 du décret prévoit également que le syndic peut agir en justice sans solliciter l’autorisation de l’assemblée générale dans des hypothèses assez particulières, à savoir :

  • en cas d’opposition aux travaux permettant la recharge normale des véhicules électriques prévue à l’article  136-2du code de la construction et de l’habitation
  • lorsque le président du tribunal judiciaire est saisi sur le fondement : 
  • des premiers alinéas des articles 29-1A et 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 (procédure aux fins de désignation d’un mandataire ad hoc justifiée notamment lorsque l’équilibre financier du syndicat des copropriétaires est gravement compromis)
  • du premier alinéa de l’article L. 615-6 du code de la construction et de l’habitation (procédure de carence, lorsque le syndicat est dans l’incapacité d’assurer la conservation de l’immeuble ou la sécurité des occupants, incapacité résultant de difficultés financières ou d’un dysfonctionnement dans la gestion),

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En conclusion, l’habilitation du syndic à agir en justice a donné lieu à une abondante jurisprudence laquelle a permis, au fur et à mesure des années, de clarifier et préciser la teneur des dispositions de l’article 55 du décret n°67-223 du 17 mars 1967.

Depuis l’entrée en vigueur du décret n°2019-650 du 27 juin 2019 modifiant l’article 55 du décret no 67-223 du 17 mars 1967, seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir du défaut d’habilitation du syndic à agir en justice.

On peut donc penser que du fait de cette nouvelle disposition, ce contentieux aura vocation à se tarir, ce qui constitue, en définitive, une bonne nouvelle pour les copropriétés.

Eric BENJAMIN

Avocat Associé

BKP & Associés Avocats

 

CategoryImmobilier
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