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DROIT IMMOBILIER – LA LOI AURILLAC , LA VENTE EN BLOC ET L’ENGAGEMENT DE PROROGATION DES BAUX EN COURS

1° – Les dispositions textuelles applicables

# La loi du 13 juin 2006, dite loi « AURILLAC » a créé un nouveau droit de préemption au profit des locataires à usage d’habitation et à usage mixte d’habitation et professionnel, applicable en cas de vente d’un immeuble entier. C’est l’hypothèse de la vente en bloc

# Cette loi crée au profit des locataires , un nouveau droit de préemption appelé à jouer dans un cas qui jusqu’alors se situait hors du champ d’application des droits de préemption existants : la vente d’un immeuble entier, dans sa totalité et en une seule fois, comme précisé par le texte. Les dispositions de la loi du 13 juin 2006 ont été intégrées à la loi du 31 décembre 1975 où elles figurent sous l’article 10-1.

En revanche, selon l’article 10-1 I A alinéa 1 de la loi du 31 décembre 1975, le droit de préemption institué par ce texte ne joue pas dans le cas où l’acquéreur de l’immeuble s’engage « à proroger les contrats de bail à usage d’habitation en cours à la date de la conclusion de la vente, afin de permettre à chaque locataire ou occupant de bonne foi de disposer du logement qu’il occupe pour une durée de 6 ans à compter de la signature de l’acte authentique de vente qui contiendra la liste des locataires concernés par un engagement de prorogation de bail ».

# Le droit de préemption du locataire dépend donc de la décision de l’acquéreur : soit ce dernier marque sa volonté de mettre fin dès l’expiration des baux, à l’occupation des logements par les locataires et ces derniers ont alors le droit de préempter, soit il s’engage à proroger les baux en cours et le droit de préemption est exclu. C’est cette dernière hypothèse que l’on analysera au terme du présent article car c’est souvent l’option pratique que choisit l’acquéreur qui veut éviter le risque que la préemption d’un logement ne contrarie son projet d’achat en bloc.

# En contrepartie, il est bien évident que l’engagement de prorogation est étroitement encadré et que l’on ne saurait impunément le contourner tout en ne respectant pas les droits des locataires.

 

2° – L’engagement de prorogation des contrats de bail à usage d’habitation mixtes et professionnels en cours, doit être notifié et effectué dans les règles qu’il s’agisse de la clause ou de l’annexe

  1. Le rédactionnel de la clause doit respecter les conditions légales avec une annexe régulièrement rédigée et publiée

# Selon la jurisprudence de la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation du 12 novembre 2015, est régulière la vente d’un immeuble dans sa totalité et en une seule fois dès lors que :

–          dans l’acte authentique l’acquéreur s’est engagé irrévocablement à l’égard de tous les titulaires de baux à usage d’habitation en cours à la date de la vente à proroger leur bail

–          et que la liste des locataires concernés a été régulièrement annexée à cet acte dont elle fait partie intégrante.

# L’acte doit faire expressément référence à l’annexe et c’est l’ensemble du document, dont l’annexe, qui doit être transmis aux locataires.

# En parlant de la « liste des locataires concernés » par l’engagement de location, le texte montre clairement que l’engagement pris par le vendeur a un caractère purement personnel au locataire en place, ce qui résulte d’ailleurs des travaux préparatoires.

La liste des locataires concernés est spécifique et répond uniquement à l’article 10-1 I A alinéa 1 de la Loi du 31.12.1975.

# Le texte fait naître un « droit personnel attaché au seul locataire en place » (rapport de Monsieur DECOCQ au nom de la Commission des lois : Doc. AN n° 2749). La formule se différentie d’ailleurs de celle envisagée en premier lieu et consistant à faire prendre par le vendeur un « engagement de maintien sous statut locatif ».

# L’article 10-1 I A alinéa 1 de la loi exige que « La liste des locataires concernés par un engagement de prorogation de bail » figure aussi dans l’acte authentique de vente. Cette obligation ajoutée au cours du débat parlementaire appelle plusieurs observations :

  • Le texte ne parle que des locataires mais il faut prendre garde au fait que le titulaire du droit au bail appelé à bénéficier en tant que tel de l’engagement de prorogation prévu par la loi n’est pas seulement le locataire en titre. Ainsi lorsque le bail a été consenti à une personne mariée ou dans certains cas à une personne pacsée, le droit au bail est commun à ses cotitulaires (article 1751 du Code civil). Ils doivent tous être mentionnés.
  • Il ne s’agit pas d’une stipulation pour autrui qui n’aurait pas été respectée.
  • Le texte invite bien à établir une « liste » des locataires, ce qui exclut l’utilisation d’une formule générale aux termes de laquelle l’acquéreur s’engagerait à proroger les baux à usage d’habitation en cours à la date de la conclusion de la vente.

# Cet arrêt ainsi rendu par la 3ème chambre le 12 novembre 2015 est d’ailleurs plein d’enseignements :

  • Pour que l’annexe soit validée comme partie intégrante et indépendamment du fait qu’elle doit bien évidemment être régulière, l’acte de vente doit mentionner en des termes clairs et précis que la liste des locataires concernés par l’engagement de prorogation est annexée sous le numéro X et que ses annexes forment avec lui un tout indissociable.
  • On retiendra également de cet arrêt  que l’acte doit être revêtu d’une mention constatant l’existence d’une ou plusieurs annexes et signée du notaire.

# Il sera également fait référence à un arrêt rendu par la Cour d’Appel de PARIS, 3 juillet 2014 en ce que celui-ci énonce : « Considérant qu’en l’espèce, si l’acte authentique de vente reçu le 22 juillet 2021 par Maître Bernard Z., notaire, contient l’engagement irrévocable de l’acquéreur vis-à-vis de chacun des locataires de l’immeuble, à proroger son bail pour une durée de 6 ans à compter de la date de vente, il convient de constater que l’acte authentique de vente ne contient pas en revanche la liste des locataires concernés, que l’acte de vente se limite à préciser que la liste des locataires concernés par cet engagement de prorogation demeure ci-annexée (annexe 27 – Liste des locataire AURILLAC par cet engagement de prorogation de bail) étant observé que cette annexe 27 n’énonce pas l’identité du notaire et des parties, ni ne contient la signature des parties, cette annexe n’ayant pas été publiée à la Conservation des Hypothèques.

Considérant qu’il se déduit de ces éléments que l’acte authentique de vente litigieux ne saurait être regardé comme contenant la liste des locataires concernés par l’engagement de prorogation de bail ; que par conséquent le bailleur ne pouvait se dispenser sous peine de nullité de la vente litigieuse, envoyer à Madame X. la lettre recommandée visée par les dispositions susvisées ; Que faute d’envoi de cette lettre recommandée, il y a lieu de dire que le droit de préemption de Madame X. n’a pas été régulièrement purgé, qu’il convient par conséquent de déclarer nulle la vente … »

B-  Sur l’information éclairée des locataires

# L’obligation de notification est contractuelle et doit ressortir de l’acte authentique .

# En effet dans le système adopté, le législateur subordonne l’absence de droit de préemption du locataire à l’engagement de prorogation des baux pris par l’acquéreur. On a peine à admettre que le droit de préemption du locataire qui est de principe, pourrait être ainsi éliminé par un engagement du bailleur qui ne se traduirait par aucune prorogation effective des baux, faute d’avoir été portée à la connaissance des locataires et acceptée par eux.

Il paraît donc être dans la logique de la loi que cet engagement se traduise à tout le moins par une information des locataires et le plus souvent par une proposition effective de prorogation des baux faite par le bailleur aux locataires concernés sur laquelle ils auront à prendre position.

# Il a toujours été conseillé à l’acquéreur de porter l’engagement à la connaissance du locataire dans le cadre de la notification qu’il est tenu d’effectuer pour se faire connaître en application de l’article 3 alinéa 17 de la loi du 6 juillet 1989.

# L’acquéreur ne doit pas tarder à se faire connaître

A la suite de l’engagement pris par lui, l’acquéreur est avisé d’écrire à chaque locataire pour l’informer de cet engagement et lui proposer la signature d’un avenant en indiquant qu’à défaut le locataire serait réputé avoir refusé la prorogation du bail en cours.

Cette solution paraît concilier l’engagement de l’acquéreur et la volonté du locataire de ne pas modifier le bail en cours.

 

3° – Sur les conséquences du non-respect des dispositions de la Loi AURILLAC

A- Sur la conséquence directe de ces irrégularités : nullité de la vente en bloc

La conséquence directe de l’inobservation des dispositions textuelles est bien évidemment la nullité de l’opération notariée ainsi passée, ce qui est corroboré par la Jurisprudence la plus constante.

B- Sur les conséquences financières et les préjudices subis

Dés lors que les locataires sont floués il leur appartient de faire valoir leurs préjudices

CONCLUSION : lors de la vente en bloc d’un immeuble il est très tentant pour le nouvel acquéreur d’éviter le droit de préemption des locataires mais il convient toutefois d’être extrêmement vigilant quant au rédactionnel  à voir et revoir avec les notaires et les conseils.

Virginie KOERFER-BOULAN

Avocat Associé – Spécialiste Droit Immobilier

CategoryImmobilier
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