FAMILLE – DEDUCTION DU REVENU IMPOSABLE D’UNE PENSION ALIMENTAIRE VERSEE A DES ASCENDANTS AYANT REALISE PREALABLEMENT DES DONS
Cour administrative d’appel de Nantes, 1ère Chambre, 7 janvier 2022, 20NT02364, Inédit au Recueil Lebon
Dans un arrêt récent, la Cour administrative d’appel de Nantes se prononce sur la déduction du revenu imposable d’une pension alimentaire versée à des ascendants ayant réalisé préalablement des dons.
Rappel des faits et de la procédure :
Dans le cadre d’un contrôle sur la pièce, un couple s’est vu refuser la déduction de son revenu global de la somme de 12.000 € au titre d’une pension alimentaire versée aux parents d’un des époux.
L’administration fiscale n’ayant accepté qu’une déduction à hauteur de 3.180 € seulement, le couple a alors engagé une procédure par devant le Tribunal administratif d’ORLÉANS afin que la juridiction prononce la décharge de la cotisation supplémentaire à l’impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l’année 2015.
Leur demande a néanmoins été rejetée par un jugement du 3 mars 2020. C’est dans ces circonstances qu’un appel a été interjeté.
Afin de justifier la déduction des 12.000 € versés à leurs ascendants, les époux invoquaient leur état de besoin. Ces derniers ne percevaient effectivement qu’une pension de retraite d’origine roumaine s’élevant à 616 € par mois, inférieur au SMIC en vigueur au moment des faits.
Aux termes de son arrêt du 7 janvier 2022, la Cour administrative d’appel de NANTES procède à un raisonnement classique, en s’attachant dans un premier temps à rappeler le droit applicable, tout en faisant une application aux faits de l’espèce.
Deux articles sont alors visés par la Cour de céans. En premier lieu, l’article 156 du Code général des impôts, précisant les conditions aux termes desquelles les personnes versant une pension alimentaire à leurs parents ou grands-parents peuvent porter ces sommes en charge déductible du revenu imposable dans le cadre de la détermination de l’impôt sur le revenu. En second lieu, l’article 225 du Code civil, stipulant que les enfants ont une obligation d’aide alimentaire envers leurs parents et autres ascendants qui seraient dans le besoin.
De manière extrêmement habituelle en matière de fiscalité des particuliers, la Cour de céans précise qu’il résulte de ces dispositions que « si les contribuables sont autorisés à déduire du montant total de leurs revenus, pour l’assiette de l’impôt sur le revenu, les versements qu’ils font à leurs parents privés de ressources, il incombe à ceux qui ont pratiqué ou demandé à pratiquer une telle déduction de justifier, devant le juge de l’impôt, de l’importance des aliments dont le paiement a été rendu nécessaire par le défaut de ressources suffisantes de leurs ascendants. »
Ainsi, c’est sur le terrain de la preuve de l’obligation alimentaire que devait se prononcer la Cour administrative d’appel de NANTES.
Or, une particularité – non sans importance – doit être prise en compte : il s’agit de l’hypothèse où le créancier aliment a préalablement consenti une donation en biens immobiliers ou en liquidités en vue d’acquérir des biens immobiliers au profit du contribuable débiteur des aliments, sans contrepartie explicite.
Dans ce cas précis, la Cour d’appel de céans rappelle que « le juge de l’impôt n’est fondé à prendre en considération, pour apprécier l’état de besoin des ascendants, les ressources dont ceux-ci se sont volontairement privés en faisant cette donation qu’en cas de fraude à la loi. »
Sans aucune difficulté, la Cour de céans a donc appliqué ce raisonnement au cas d’espèce et pour rejeter la demande des époux, s’attache à trois points et notamment :
- Que le 22 avril 2014, les parents de l’épouse, qui résidaient alors en Roumanie, ont versé à titre de donation la somme de 42.500 € à chacune de leurs deux filles ;
- Que seulement un mois après cette donation, ces sommes ont permis à l’épouse ainsi que sa sœur d’acquérir un bien immobilier, occupé par la suite à titre gratuit par les ascendants ;
- Que les ascendants étaient propriétaires d’une bien immobilier en Roumanie d’une résidence principale qu’ils pouvaient occuper sans exposer de dépense et dont la valeur locative a été estimée à 300 € mensuels, ainsi que d’un second bien immobilier qu’ils ont conservé sans en tirer de revenus.
La Cour administrative d’appel de NANTES ne fait donc point exception à la pratique des juridictions en la matière : les époux s’étant volontairement privés de leurs économies, soit 85.000 €, sans contrepartie explicite et au profit de leurs enfants, la Cour de céans écarte la qualification d’obligation alimentaire. Ainsi, leur état de besoin ne peut être caractérisé.
Cette décision vient alerter de nouveau sur les limites de la déduction des pensions alimentaires versées aux ascendants. Une attention toute particulière doit être portée en présence de donation, où l’importance du caractère volontaire vient alors se superposer aux règles de fiscalité des particuliers.
Un arrêt venant de nouveau souligner les particularités et la prudence nécessaire avec laquelle il convient d’appréhender les règles applicables en matière de fiscalité des particuliers et de la famille.
Avocat
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