FAMILLE – LE CHANGEMENT DE RESIDENCE DE L’ENFANT EN COURS D’INSTANCE : LA COMPETENCE SUIT LA RESIDENCE
Cour de justice de l’Union Européenne, 14 juillet 2022, affaire CR-572/21 – CC / VO
LE CHANGEMENT DE RESIDENCE DE L’ENFANT EN COURS D’INSTANCE : LA COMPETENCE SUIT LA RESIDENCE
Dans l’affaire qui nous intéresse, la résidence habituelle d’un enfant avait été transférée, en cours de procédure, d’un État membre de l’UE vers un État tiers partie à la convention de La Haye de 1996.
Un mineur, M., est né en Suède. Sa mère, CC, a obtenu la garde exclusive de l’enfant dès sa naissance. M a résidé en Suède jusqu’à son déménagement dans un internat sur le territoire de la Fédération de Russie en octobre 2019.
En décembre 2019, le père, VO, a demandé à obtenir la garde exclusive de M. en Suède devant les prétoires suédois. CC a fait valoir que le tribunal suédois n’était pas compétent et que M avait désormais sa résidence habituelle en Russie.
Le tribunal suédois a estimé que la résidence habituelle de M n’avait pas été transférée et a accordé la garde exclusive de M à VO.
La mère avait également introduit une demande de garde de M devant une juridiction russe qui, le 20 novembre 2020, s’était déclarée compétente pour toute question relative à la responsabilité parentale du mineur.
Il est à préciser que le changement de résidence de l’enfant de la Suède vers la Russie était légal car à cette date, seule la mère avait l’exercice de l’autorité parentale sur l’enfant.
La Russie et la Suède sont signataires de la convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants.
L’article 61 du Règlement Bruxelles II prévoit que le Règlement prime la Convention lorsque l’enfant réside dans un Etat membre de l’Union Européenne. Or l’enfant en question avait établi sa résidence habituelle en Russie, non membre de l’Union Européenne.
L’affaire est portée devant la Cour Suprême suédoise, qui a annulé l’ordonnance de garde exclusive et a renvoyé la question de la compétence à la CJUE pour une question préliminaire sur l’article 61 a. du règlement Bruxelles II, en les termes suivants :
Une juridiction d’un État membre conserve-t-elle sa compétence au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n°2201/2003 lorsque l’enfant concerné par la procédure transfère, en cours d’instance, sa résidence habituelle d’un État membre vers un État tiers qui est partie à la convention de La Haye de 1996 ?
La CJCE devait donc décider si l’article 8(1) du Règlement 2201/2003, lu conjointement avec l’article 61 (a) dudit règlement, devait être interprété en ce sens qu’une juridiction d’un État membre saisie d’un litige relatif à la responsabilité parentale restait compétente pour statuer sur ce litige en vertu de l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement, même si la résidence habituelle de l’enfant en question avait été légalement transférée, au cours de la procédure, sur le territoire d’un État tiers partie à la convention de La Haye de 1996.
La CJUE considère qu’une juridiction d’un Etat membre saisie d’un litige en matière de responsabilité parentale ne conserve pas la compétence pour statuer sur ce litige quand la résidence habituelle de l’enfant a été transférée légalement en cours d’instance sur le territoire d’un état tiers partie à convention de La Haye de 1996.
Les juridictions suédoises saisies par le père n’étaient donc plus compétentes pour trancher d’une question de responsabilité parentale dès lors que l’enfant avait changé de résidence habituelle en Russie, Etat non membre de l’Union Européenne mais néanmoins partie à la Convention de La Haye de 1996.
Cette décision est à mettre en perspective avec l’état du droit actuel, selon lequel la solution serait comparable, depuis l’entrée en vigueur du Règlement Bruxelles II ter le 1er aout 2022, spécifiquement son article 97.
Camille VINCENT
Avocate Collaboratrice – Pôle Famille
Write a comment:
You must be logged in to post a comment.