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FAMILLE, SUCCESSION, PATRIMOINE – THEORIE DES RECOMPENSES

L’encaissement sur un compte bancaire commun de deniers provenant du don manuel reçu par l’épouse constituent la preuve que ces deniers ont profité à la communauté

La jurisprudence a souvent dû apporter un éclairage sur les récompenses dans le régime légal. Dans un arrêt rendu en date du 8 avril 1872, la Cour de cassation affirme en ce sens que « le régime de la communauté entre époux est soumis à cette règle fondamentale de droit et d’équité, que toutes les fois que l’un des époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, ou la communauté un profit semblable des biens propres à l’un des époux, il est dû indemnité ou récompense, dans le premier cas à la communauté, et dans le second cas au conjoint ».

Ce principe général a formellement été repris par le législateur lors de l’adoption de la loi n°65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux.

Ainsi, l’article 1433 du Code civil prévoit que :

« La communauté doit récompense à l’époux propriétaire toutes les fois qu’elle a tiré profit de biens propres.

Il en est ainsi, notamment, quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d’un propre, sans qu’il en ait été fait emploi ou remploi.

Si une contestation est élevée, la preuve que la communauté, a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous les moyens, même par témoignages et présomptions. »

Mais qu’en est-il lorsque l’un des époux a perçu un don manuel de ses parents et que cette somme a été versée sur un compte joint aux noms des deux époux ?

C’est une situation presque ordinaire : Des époux mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts divorcent. L’un des deux époux a reçu, pendant le mariage, un don manuel de ses parents, qu’il a versé su un compte joint ouvert au nom des deux époux. Ces deniers ont servi à subvenir aux besoins de la vie courante des époux.

Il en ressort en réalité deux problématiques :

  • La première est celle de la qualification du don manuel reçu par l’épouse au regard du régime de la communauté réduite aux acquêts ;
  • La seconde et majeure : l’utilisation de deniers provenant de ce don manuel pour subvenir aux besoins de la vie courante des époux justifie-t-elle une récompense au profit de l’époux bénéficiaire ?
  • La difficulté réside, sous le régime de communauté, lorsqu’il y a remise gratuite de fonds sans acte authentique, dans la détermination du destinataire réel du fonds.

À ce titre, les décisions rendues antérieurement à 2008 se fondaient sur la présomption de communauté pour qualifier, le plus souvent, les deniers donnés de biens communs.

Néanmoins, deux arrêts rendus par la première Chambre civile de la Cour de cassation ont considéré que les deniers provenant d’un don manuel consenti par des parents à un enfant marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts constituaient des propres de l’enfant et que la présomption de communauté ne jouait pas :

  • Un chèque émis par un parent au nom de son enfant marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts vaut donation à son profit exclusif (Cass.civ.1ère, 5 novembre 2008, n°07-19.433, D, cassation partielle : RJPF 2009-2/33).
  • Suivant l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 mai 2001 (n°10-11.576, D, cassation partielle, RJPF 2011-9/31) :

« Vu les articles 1402, alinéa 1er, et 1405, alinéas 1 et 2, du Code civil ;

         Attendu, qu’aux termes du premier de ces textes, tout bien meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi ; que, selon le second, les biens acquis par les époux pendant le mariage par succession, donation ou legs restent propres, à moins que la libéralité stipule que les biens qui en font l’objet appartiendront à la communauté, et tombent en communauté, sauf stipulation contraire, quand la libéralité est faite aux deux époux conjointement ;

       Attendu que pour limiter à la somme de 30.489,90 euros le montant des dons manuels reçus, en propre, par Monsieur X de ses parents, l’arrêt confirmatif attaqué, par motifs propres et adoptés, après avoir constaté que Monsieur X a reçu de la part de membres de sa famille des dons et legs entre 1979 et 1999, a relevé, d’une part, que ces sommes ont été versées sur le compte commun du couple utilisé par la communauté et qu’un usage personnel ne peut pas être caractérisé, d’autre part, qu’aucune précision n’est apportée quant au fait que des sommes avaient été données à Monsieur X, seul, les donateurs n’ayant pas l’identité à l’appui des versements sur le compte-joint des époux, l’identité de la personne gratifiée ; qu’elle en a déduit que la présomption de communauté s’applique à ces dons et legs perçus par l’époux ;

       Attendu qu’en statuant ainsi, la Cour d’appel a violé, par fausse application le premier des textes susvisés et par refus d’application le second. »

La jurisprudence s’oriente donc vers la qualification de deniers propres de deniers provenant de dons manuels consentis par des parents à leur enfant marié sous le régime de la communauté.

  • S’il est nécessaire de s’accorder sur la qualification des dons manuels, l’enjeux pratique réside dans la justification d’une récompense à l’encontre de la communauté.

La lecture de l’article 1433 du Code civil est plutôt claire : il convient d’apporter la preuve que les deniers propres de l’époux (comme provenant du don manuel consenti par ses parents) ont été encaissés par la communauté, afin d’établir le principe de récompense.

Toutefois et par un arrêt du 8 février 2005, la première chambre civile de la Cour de cassation a opéré un virement : l’encaissement de deniers propres par la communauté suffit, sauf preuve contraire, à établir un droit à récompense. (F.VAUVILLÉ, « Revirement : l’encaissement de deniers propres par la communauté suffit, sauf preuve contraire, à établir un droit à récompense », Cass.civ.1ère, 8 février 2005 , RJPF 2005, n°5, 2005-5/22).

Il ne s’agit cependant que d’une présomption simple.

S’agissant d’une présomption simple, le conjoint peut contester le profit tiré par la communauté, notamment en apportant la preuve que les deniers propres ont été utilisés dans l’intérêt personnel de l’époux.

De même, la Cour de Cassation considère que l’encaissement sur un compte bancaire commun constitue la preuve que les deniers ont profité à la communauté. (Civ.1ère, 14 janvier 2003 : Défrenois 2003, 997, obs. G.CHAMPENOIS ; Civ.1ère, 8 février 2005 : Bull.civ.I, n°65 ; 8 février 2005 : Bull.civ I, n°66 ; 22 novembre 2005 : Bull.civ. I, n°426 ; 28 novembre 2006 : Bull.civ. I, n°515).

En revanche, la situation est différente lorsque les deniers ont été encaissés sur un compte propre à l’époux : ainsi, le versement de deniers propres sur un compte personnel de l’époux ne constituerait pas une preuve de l’encaissement des deniers par la communauté. (Civ.1ère, 8 novembre 2005 : Bull.civ. I, n°403 ; Civ.1ère, 15 février 2012, n°11-10.182)

Dès lors que les deniers propres de l’époux ont été encaissés par la communauté, une récompense sera due au profit de son patrimoine propre, égale à la dépense faite (au nominal des sommes encaissées par la communauté), sauf preuve apportée par l’autre époux que ces derniers ont été utilisés pour un intérêt personnel.

Il convient donc d’être prudent quant à la destination des deniers et à leur usage.

Si la question semble aujourd’hui être réglée, la théorie des récompenses n’a pas fini d’alimenter la jurisprudence et de se confronter aux mouvements financiers en régime de communauté.

Agathe DIOT-DUDREUILH

Avocat Collaborateur   //   BKP & Associés Avocats

CategoryFamille
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