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IMMOBILIER – SUR LA LIMITATION DE LA RESPONSABILITE DE L’AGENT IMMOBILIER

  1. Le Cabinet vient d’obtenir une très belle décision rendue par le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES, le 7 juillet 2022 dans le cadre d’un litige où la responsabilité d’une agence immobilière, détentrice d’un mandat de vente, était mise en cause par la venderesse qui sollicitait sa condamnation à la relever et garantir en cas de vices cachés avérés.

Les acquéreurs avaient assigné la venderesse sur le fondement des vices cachés en raison de l’existence d’infiltrations qui avaient été traitées par un cuvelage juste avant les visites organisées par l’agence immobilière en vue de la vente du bien immobilier.

L’entreprise ayant réalisé le cuvelage étant en liquidation judiciaire ainsi que sa compagnie d’assurance l’assurant au titre de la responsabilité décennale, les acquéreurs ont donc assigné la venderesse alléguant l’existence de vices cachés et sollicitant sa condamnation au paiement d’une somme représentant le montant des travaux de nature à remédier aux infiltrations ainsi que l’indemnisation de leur préjudice de jouissance.

La venderesse a donc assigné en garantie l’agence immobilière, en charge de la vente du bien, à la relever et garantir en cas de condamnation, invoquant le non-respect de son obligation d’information et de conseil.

  1. Aux termes de son jugement rendu le 7 juillet 2022, le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES reprenant nos arguments a rappelé que dans le cadre d’un mandat de vente, l’agence immobilière n’est pas tenue d’une obligation d’investigation et ce d’autant que la venderesse échouait à rapporter la preuve de ce que les infiltrations affectant le bien vendu étaient visibles lors des visites effectuées par l’agence immobilière et précédant la vente et qu’elle n’avait pas remis à l’agence immobilière l’ensemble des pièces relatives au bien vendu.

En effet, selon la jurisprudence constante en la matière, l’agent immobilier ne peut être tenu pour responsable sur des choses qu’il ne connaît pas et qui sont invisibles à l’œil nu. Bien entendu, il doit examiner de façon soignée le bien proposé à la vente et doit être capable de notifier les caractéristiques de celui-ci, ses qualités ainsi que ses défauts. Cependant, pour ces derniers, ils doivent être examinés de manière non approfondie, juste visuelle et n’engendrant pas de démontage, notamment.

En conséquence, l’agent immobilier a un devoir de conseil sur le visible et le su, mais pas sur l’invisible et le non-su.

En outre, l’agent immobilier n’est pas un spécialiste de la construction ni un professionnel du bâtiment [Cass. 3ème Civ. 26/10/2017 n°16-21951 ; Cass. 3ème Civ. 21/01/2015, n°13-17982].

La Cour de Cassation le rappelle régulièrement : l’agent immobilier « n’étant pas un professionnel de la construction, les acquéreurs ne peuvent soutenir que le vice était caché pour eux mais apparent pour l’agent immobilier ; que les époux Z n’apportent pas la preuve qui leur incombe que la société X avait connaissance du vice non apparent affectant l’immeuble au moment de la vente » [Cass. 3ème Civ. 08/04/2014, n°09-72747]

Le professionnel de l’immobilier n’a pas à faire de recherches destructives, ni à faire de diligences supplémentaires si l’état apparent de l’immeuble et les informations reçues ne le justifient pas.

En conséquence, « n’étant pas un spécialiste de la construction mais un spécialiste du négoce immobilier », la responsabilité de l’agent immobilier ne peut être engagée à raison des vices cachés que seul l’usage du bien ou des investigations réalisées par un homme de l’art peuvent mettre à jour, à moins qu’ils n’aient été portés à sa connaissance par les vendeurs [CA Montpellier, 1ère chambre, 18 février 2016, n°13-07751].

 L’agent immobilier ne manque pas à son obligation d’information dans le cas du silence gardé par les vendeurs sur les désordres constructif affectant le bien vendu : « Mais attendu qu’ayant retenu qu’il ne pouvait être reproché à l’agence immobilier de ne pas avoir avisé les acquéreurs du défaut affectant les fondations dès lors qu’il était établi que ces désordres n’étaient pas visibles lors des visites effectuées par les futurs acquéreurs et la preuve n’est pas rapportée qu’elle avait eu connaissance du vice caché, que si les fissurations de la façade étaient visibles, ni leur gravité, ni leur origine ne pouvait être appréhendée par un non professionnel, la cour d’appel qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision » [Cass. 3ème Civile 23/10/2013, n° 10-15.687].

 L’agent immobilier n’est pas tenu de faire des sondages destructifs pour contrôler l’état d’une charpente ou d’une toiture quand la maison est ancienne ;

« Attendu qu’ayant d’une part relevé qu’il était mentionné sur l’annonce de l’agence immobilière que l’immeuble était une ferme habitable à rénover entièrement et que les désordres affectant les colombages situés derrière l’essentage n’avaient été mis en évidence que par l’enlèvement des ardoises, alors qu’un agent immobilier n’étant pas un professionnel du bâtiment n’a pas à pratiquer des sondages destructifs .. » [Cass. 3ème Civile 09/12/2014 n°13-24.765].

In fine, lorsque les désordres affectant l’immeuble ne sont pas apparents au moment de la vente et qu’ainsi, la preuve n’est pas rapportée que l’agent immobilier avait une connaissance du vice caché, le manquement au devoir de conseil n’est pas établi [Cass. 1er Civile 16/01/2007, n°04-12.908].

  1. L’autre apport de cette décision concerne la nature même du préjudice indemnisable dans le cadre d’un appel en garantie en cas de vices cachés avérés.

Aux termes du jugement rendu, le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES a ainsi ajouté « en tout état de cause et de manière surabondant » que « la condamnation du vendeur à payer aux acquéreurs une somme correspondante à la diminution du prix à raison du vice caché qui affectait la chose vendue, ne constitue pas pour lui un préjudice indemnisable dès lors qu’elle l’oblige seulement à restituer la part du prix qu’il n’aurait pas perçue si l’acquéreur avait eu connaissance du vice et ne constitue donc pas pour lui un appauvrissement. »

Ce faisant, le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES a rappelé la position ancienne de la Cour de Cassation dans un arrêt rendu le 8 novembre 2006, qu’en matière de vices cachés, « la restitution d’une partie du prix à laquelle un contractant est condamné ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable permettant une action en garantie ».

Cette position a été depuis constamment appliquée par la Haute Juridiction et notamment dans un arrêt rendu le

29 mars 2018 : « Mais attendu que la restitution à laquelle le vendeur est condamné à la suite de la réduction du prix de vente prévue à l’article 1644 du code civil ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable permettant une action en garantie ; que la cour d’appel a rejeté l’appel en garantie formé par le vendeur contre l’agent immobilier à la suite de sa condamnation à restituer à l’acquéreur une partie du prix de vente ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l’arrêt se trouve légalement justifié » [Cass. 3ème civ, 29 mars 2018, n° 17-13157].

Marie-Anne BRUN PEYRICAL

Avocat Senior

CategoryImmobilier
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