Open/Close Menu Cabinet d'avocat en droit de la famille, social, immobilier, assurance, commercial et pénal.

LE CONJOINT SURVIVANT, EN SA QUALITE D’HERITIER DE L’EPOUX DECEDE, PEUT AGIR EN NULLITE D’UN ACTE POUR INSANITE D’ESPRIT

 

Cour de cassation, 3ème Chambre civile, 12 octobre 2022, n°21-15.669 :

« LE CONJOINT SURVIVANT, EN SA QUALITE D’HERITIER DE L’EPOUX DECEDE, PEUT AGIR EN NULLITE D’UN ACTE POUR INSANITE D’ESPRIT. »

Les faits sont les suivants : Par acte notarié en date du 12 novembre 2015, deux époux vendent un immeuble à leur fille et gendre au prix de 210.000 euros, dans lequel ils continuent d’habiter avec les acquéreurs.

Lors de l’acte de vente, les deux époux étaient représentés par leur fils en vertu d’un mandat qu’ils lui avaient donné par acte sous seing privé du 21 septembre 2015.

Le mari vendeur est décédé le 11 avril 2016. Son épouse est quant à elle placée sous curatelle en janvier 2017.

À la suite de dissensions survenues entre les acquéreurs et la veuve, cette dernière quitte l’immeuble.

Invoquant un vice du consentement et son incapacité à contracter, la veuve, assistée par sa curatrice, a assigné les acquéreurs ainsi que le Notaire en annulation de la procuration et de l’acte de vente et subsidiairement en rescision pour lésion.

La Cour d’appel ayant rejeté leurs demandes, la veuve et sa curatrice se pourvoient en cassation.

La Cour de cassation, sans surprise, par une stricte analyse des articles applicables en la matière, soit les articles 731, 732 et 414-2 du Code civil.

Selon les deux premiers, le conjoint survivant non divorcé est un héritier auquel la succession est dévolue par la loi, avec les parents du défunt, dans les conditions définies par le Code civil.

La Haute juridiction fait ensuite une corrélation avec l’article 414-2 du Code civil, aux termes duquel les héritiers peuvent engager une action en nullité d’un acte – autre qu’une donation entre vifs et un testament en l’espèce puisqu’il s’agit d’un acte de vente – fait par leur auteur, pour insanité d’esprit, notamment si cet acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental.

Ainsi, le conjoint survivant non divorcé est un conjoint successible auquel la succession est dévolue par la loi, avec les parents du défunt. En sa qualité d’héritier, il peut ainsi engager une action en nullité d’un acte, autre qu’une donation entre vifs et un testament, fait par leur auteur, pour insanité d’esprit, notamment si cet acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental.

Une décision qui de prime abord et d’un point de vue strictement juridique se comprend sans mal : si le conjoint survivant est doté de droits successoraux particuliers, il n’est reste pas moins un héritier à part entière. Es qualité de « conjoint successible », ce dernier peut comme n’importe quel héritier agir en nullité pour insanité d’esprit contre un acte fait par le défunt.

Sur un aspect pratique néanmoins, la Cour de cassation interroge : en premier lieu, force est de constater que cette décision s’applique dans le cadre strictement limité du conjoint non divorcé, ce qui ouvre l’interrogation dans la situation du concubin, qui comme on le sait est considéré en droit des successions comme un étranger.

En second lieu, une décision qui vient renforcer le champ d’application des articles du Code civil susvisés, puisque l’action en nullité, au-delà d’un acte successoral dit « classique » comme une donation ou un testament, peut être exercé à l’encontre, comme dans le cas d’espèce, d’un acte notarié et en particulier d’un acte de vente.

Enfin, il reste important de relever l’affaiblissement que prône cette décision à la sécurité juridique.

En effet, la stricte application des articles 731,732 et 414-2 du Code civil à la veuve permet de faire annuler un acte de vente, pourtant régularisé avec les précautions propres à la situation physique et morale des vendeurs, puisqu’une procuration avec été aussi régularisée lors de l’acte d’achat et dont l’intérêt semble devenu inexistant.

En conséquence, un prisme de la sécurité juridique affaibli par une application rigoureuse des règles de droits successorales, un état d’esprit néanmoins classique pour la Haute juridiction.

Agathe DIOT-DUDREUILH

Avocat Collaborateur

 

CategoryFamille
Write a comment:

You must be logged in to post a comment.

© BKP AVOCATS 2024 - DESIGNED AND POWERED BY
TAO / SENSE
- MENTIONS LEGALES / LEGAL NOTICE