FAMILLE : Un bien propre du débiteur ne peut être alloué à titre de complement de prestation compensatoire.
Cass. Civ. 1ère, 15 avr. 2015, pourvoi n° 14.11575 publié au bulletin
Dans un arrêt de principe du 15 avril 2015, publié au bulletin, la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation revient sur la question des modalités de fixation et d’exécution d’une prestation compensatoire, en cassant un arrêt rendu par la Cour d’appel de DIJON, le 21 novembre 2013.
Si cet arrêt revient également sur la question de la fixation de dommages et intérêts dans le cadre d’un divorce pour faute, le point central demeure être la question de l’attribution, à titre de complément de prestation compensatoire, d’un bien propre de l’époux débiteur de la dite prestation.
Aux termes d’une motivation discutable, la Cour d’appel de DIJON avait en effet condamné l’époux débiteur à régler à son ex épouse une somme de 200 000 € et, à titre complémentaire, à lui céder un immeuble lui appartenant en propre qui avait constitué le domicile conjugal, après avoir retenu que l’accord de cet époux n’était pas nécessaire à une telle attribution en raison du fait que le bien ainsi abandonné n’avait pas été reçu par lui par succession ou par donation mais avait été acquis avant le mariage.
Pour censurer l’arrêt, la Première chambre se fonde sur les dispositions des articles 270 et 274 du code civil desquels il ressort, d’après la première chambre civile, que le montant de la prestation compensatoire qui prend la forme d’une attribution de biens en propriété doit être précisé dans la décision qui la fixe.
Une telle décision se justifie parfaitement au regard des termes de l’article 270 précité, texte qui exige que la prestation compensatoire prenne la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge, l’abandon d’un bien de l’époux débiteur au profit du créancier n’étant qu’une des modalités d’exécution de la prestation compensatoire en capital prévues par l’article 274, ceci au même titre que le versement d’une somme d’argent.
L’abandon d’un bien n’est, en effet, qu’une des modalités d’exécution de la prestation compensatoire, et n’exonère par le Juge de son office de fixation du montant de celle-ci, tel que cela ressortait d’ailleurs de la réserve d’interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision QPC du 13 juillet 2011 (Cons. const., 13 juill. 2011, n° 2011-151 QPC)
Ce n’est ainsi pas l’attribution d’un bien propre de l’époux débiteur que critique directement la Cour de Cassation, mais bien l’absence de chiffrage de l’avantage consenti à l’épouse créancière à titre de prestation compensatoire, et l’absence de preuve que l’abandon d’un bien propre était le seul moyen de satisfaire aux obligations de l’époux débiteur.
La première chambre réaffirme ainsi une jurisprudence d’ores et déjà adoptée dans son arrêt du 28 mai 2014, dans lequel elle avait censuré, sur les mêmes fondements, une Cour d’appel qui avait imposé le règlement d’une prestation compensatoire par l’abandon de la part dont était titulaire l’époux débiteur dans un appartement commun, aux seuls motifs que la disparité constatée dans les conditions de vie des époux au détriment de l’épouse sera compensée par l’octroi d’une prestation compensatoire évaluée à la somme de 82 500 € sous la forme de l’attribution en pleine propriété de l’immeuble commun, le tout sans constater que les modalités prévues au 1° de l’article 274 du code civil n’étaient pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation (V. Civ. 1re, 28 mai 2014, n° 13-15.760, Bull. civ. I, n° 95)
Est ainsi confirmée l’obligation de motivation renforcée destinée à assurer l’effectivité du caractère subsidiaire de l’attribution d’un bien par rapport au versement d’une somme d’argent, la solution réaffirmée par l’arrêt du 15 avril 2015 étant applicable quelle que soit la nature – propre, personnelle ou commune – du bien ou de la part du bien de l’époux débiteur
attribué au créancier.